mercredi 19 novembre 2008

Dix "clichés" sur le gold

Dix idées préconçues sur l'or que je me fais un plaisir de torpiller avec votre concours. A l'attention des néophytes. Les autres, ceux qui ont repris le contact avec cet oublié de l'histoire monétaire, le savent déjà.

1 - L'or est une matière première de joaillerie

Première idée préconçue, premier "cliché" à tous les sens du terme, l'image selon laquelle l'or serait une matière première de boutiquiers. Des boutiquiers certes appréciés par vos épouses, messieurs, les bijoutiers ...

Réglons cette question avant de passer aux points suivants, autrement plus sérieux. Non l'or n'est pas une matière première destiné aux bijoutiers. Pourquoi ?

a - la valeur psychologique de l'or comme support de joaillerie ne tient pas sa nature propre mais bien à sa rareté et à son prix, et non l'inverse, c'est la classique inversion cause-conséquence. L'or entre dans la fabrication de bijoux ... parce qu'il est cher. D'ailleurs de ce point de vue certains l'auront constaté, le bijou en or a été plutôt ringard ces vingt dernières années dans nos pays et ce n'est pas une hasard. Il fut durant cette période remarquablement bon marché, toutes choses égales par ailleurs ...,
b - la carrière de l'or comme support de joaillerie se situe désormais clairement dans des régions - le proche-orient, le golfe, l'Asie - où sa valeur est très largement patrimoniale. Analysez la consommation d'or de joaillerie de certains pays - à monnaie et système juridique faible - comme une simple consommation de matière première, c'est faire une erreur d'analyse. Massive !

Soyons clairs. In fine si l'or était une simple matière première de joaillerie, il n'existerait ni marché de l'or monétaire - le fameux lingot disponible dans toutes les banques du monde, nous y reviendrons - et Fort Knox aurait soldé ses stocks depuis longtemps.

Rappelons-le, les banques centrales des vieux pays de l'OCDE sont encore aujourd'hui de gros détenteurs d'or. Leurs ventes désormais restreintes se poursuivent à rythme modéré et les grands argentiers des pays détenteurs de surplus massifs sont entrain de ré-évaluer l'intérêt des réserves métalliques.

Un dernier argument et c'est à mon sens le seul réellement définitif : Si l'or était une matière première, qui plus est destinée à des besoins non essentiels, celui-ci aurait fait au même titre que les autres matière première un grand plongeon en 2008. Or ce ne fut pas le cas en dépit d'une consolidation récente. La comparaison du cours du métal jaune avec les autres matières premières et les autres métaux y compris précieux ne laisse pas la place au doute. Même à 700 dollars l'once.

2 - Le métal jaune est une épargne de vieux et/ou d'incompétents

Encore une idée préconçue qui s'est progressivement en place depuis la fin des années 60 avec l'irruption dans nos pays de la modernité importée des US. Le goldeux est un retraité portant bretelles ...

Cette appréciation portée sur le métal jaune n'est pas sans fondement ni logique dans la mesure où la gestion remarquable que les US firent de leur monnaie et de leur économie durant les 20 années qui suivirent la seconde guerre mondiale fut un exceptionnel élément de stabilité monétaire, financière et économique.

La monnaie-papier a connu sous la fameuse ombrelle de Bretton Woods une période de stabilité historiquement exceptionnelle. Durant toutes ces années, le système financier a connu un développement durable. Un développement soutenu par des instruments monétaires tellement solides que les américains a fini par en ignorer les fondements ...

C'est dans ce contexte que le métal précieux s'est progressivement dévalorisé aux yeux des élites de nos pays, glissant progressivement du statut de garant du système monétaire à celui d'investissement de (grand)-père de famille puis à celui de relique numismatique puis, last but not least, de matière première de bijouterie ...

Sa subite appréciation à l'orée des années 2000 n'a pas évidemment changé la donne. L'idéologie économique ordinaire l'ayant classé "matière première", sa brutale appréciation n'a fait que confirmer aux yeux des économistes de support de spéculation sur les marchés des métaux ...

Dans un tel contexte l'or délivre à l'épargnant ordinaire et surtout au gestionnaire de patrimoine, qu'il soit amateur ou professionnel, une forte odeur franche et forte de naphtaline et, pour les français, de "troisième république", l'inverse absolue de la modernité. Et son succès relatif dans des pays au développement social, économique et financier plus faible - en Asie et en Orient notamment - ne fait d'ailleurs que renforcer cette appréciation ... Tout particulièrement chez nos amis banquiers et gestionnaire professionnels de l'argent des autres.

Pour ses contempteurs, l'or est le fait d'épargnants âgés, au mieux nostalgiques et incompétents et, au pire ... disons-le clairement borderline caractériels.

Si le dernier point n'est pas à négliger (car oui! il faut une certaine force de caractère pour faire le choix de l'épargne en or aujourd'hui...) les autres arguments sont absolument caducs et relèvent d'une intoxication médiatique et professionnelle.

Contrairement au politiquement correct, le métal jaune est désormais le fait d'épargnants qui sont :
- plus jeunes que la moyenne - on le voit nettement sur nos forums,
- visiblement plus formés sur le plan académique - les goldeux comprennent pour la plupart les grands mécanismes de création monétaire et le rôle essentiel du change et ses ajustements souvent brutal dans la mécanique des échanges internationaux.

Le fait que les goldbugs US aient très largement anticipé cette crise - votre serviteur qui a liquidé son portefeuille action au début de 2007 leur dit "Merci" - et la présence régulière de nombreux détracteurs à titre professionnel sur ce forum ne font que renforcer cette conviction :

"Si l'existaient des imbéciles parmi les épargnants - ce que je ne crois pas - les perdants le sont le plus souvent en raison de leur excès de confiance en la nature humaine. Et le goldeux est par nature porté à la prudence. Est-ce réellement un défaut en cette période ?

3 - L'or est déjà fort cher

Cette appréciation souvent catégorique et portée avec autant de certitude par les gestionnaires de l'argent des autres doit bien souvent à un fait concret. L'or est un bien mauvais support professionnel. Ses circuits rapportent peu aux intervenants. Pour des très nombreuses raisons que l'on aura pas le temps de reprendre ici.

Revenons au fonds concernant la survalorisation éventuelle de l'or. Il nous est très difficile d'argumenter sur ce sujet en période d'instabilité monétaire majeure - et nous y sommes depuis le milieu de 2007. Car dans de telles période, la volatilité est considérable sur toutes les classes d'actifs ...

Rappelons simplement les faits suivants :
- la valorisation des années 1990 correspondant à un point bas historique et un point haut sur la valorisation et la confiance dans les instruments monétaires. Et oui en cette période l'or était à la portée de tous dans les pays de l'OCDE. Cela ne correspond en aucune manière à sa réalité historique. Ceux qui en ont profité sont riches. Mais le passé est le passé ...
- L'or est susceptible de baisser mais ne rêvez pas trop à une baisse massive. Les infusions massives de capitaux dans le système financier vont rapidement avoir des conséquences sur la valorisation du métal précieux. L'or est désormais cher et il pourrait l'être rapidement beaucoup plus si nos monnaies occidentales baissent comme elles le devraient vis-à-vis des zones à surplus massifs. Lorsque cela sera le cas, le métal jaune sera à nouveau inabordable pour la plupart. En tous les cas dans nos pays. A vous de voir.

4 - Rien ne vaut la pierre

L'or est bien souvent mis en parallèle avec l'immobilier. Tant qu'à ne pas entrer dans les classes d'actifs non financiers, pourquoi effectivement ne pas privilégier l'immobilier. Effectivement la comparaison a un sens. Car ce sont deux remparts contre la destruction monétaire. Chacun à sa manière.

Sur ce point, je vous invite à comparer cependant à noter les points de convergence mais également les points de divergence :

a - l'immobilier a besoin d'un levier monétaire considérable. La période de destruction monétaire à laquelle nous avons assisté permis son développement au delà de tous les espérances. Cette machine fonctionne désormais à rebours.
b - l'immobilier possède une rentabilité. Vrai mais en contrepartie ses couts de possession sont élevés, la qualité du support fiscal est également sans comparaison et sa liquidité est des plus médiocres ...

5 - le marché de l'or est confus et opaque

C'est non une vérité en soi mais une vérité partielle liée à la décision des autorités politiques internationales de démonétiser l'or. Depuis sa démonétisation et en dépit d'une bonne résistance des autorités nationales - les particuliers français restant des détenteurs importants - l'or ne jouit plus d'un véritable marché dans notre pays.

Ce sont désormais les numismates et les agents de change qui assurent ce marché, les banquiers ne le faisant que sous la contrainte. Pour autant, hormis ce prisme déformant, ce prime déformant - il est curieux de confier la constitution de son patrimoine à des collectionneurs .. - le marché de l'or reste simple à l'image du métal jaune lui-même.

La contrefaçon est détectable à l'œil ou à la balance et les opérateurs sont, dans leur domaine, des professionnels compétents, honnêtes et largement aussi surveillés que les banquiers.

Rassurez-vous sur l'essentiel. Il est beaucoup plus difficile de tricher sur le commerce de l'or physique ... que maquiller un bilan bancaire dans la période actuelle.

6 - L'or est imprévisible - sa "volatilité" est excessive

Remettons les choses en perspective.

Actuellement toutes les classes d'actifs sont touchées par une "volatilité excessive", preuve si c'était encore nécessaire d'une crise monétaire d'ampleur mondiale. La volatilité actuelle est d'abord celle des instruments de mesure, les monnaies, et non celles des actifs eux-même.

Pour autant, reconnaissons que l'or fait preuve d'une volatilité particulièrement forte ... Cette volatilité tient à la présence d'un petit nombre d'opérateurs - sans intérêt industriel - et disposant des instruments nécessaires à la manipulation, à la marge évidement, des marchés des métaux.

Le fait est que ces opérateurs sont des banques et qu'ils bénéficient du soutien tacites des autorités monétaires ... Soyons clairs, cette volatilité est tout autant entretenue que sa stabilité fut au contraire maintenu durant les périodes où la monnaie fut monnaie (étalon-or).

Une simple décision des autorités monétaire ferait de l'or un "store of value" d'une remarquable stabilité ... Sans même mettre le marché sous tutelle ...

Mais une telle décision - par la suppression des interventions des acteurs privilégiées - mettrait également en évidence la dépréciation persistante de valeur de la plupart des instruments monétaires.

De fait en l'absence d'une remonétisation de l'or - même partielle - il nous faudra vivre avec cette forte volatilité. Mais rappelons-le, comme nous venons de le dire, cette volatilité caractérise tout autant les supports monétaires que le métal jaune lui-même

7 - Mon banquier n'aime pas l'or - car il ne rapporte rien

Certes c'est exact. Votre banquier n'aime pas l'or.

Demandez à votre responsable d'agence de vous procurer de l'or physique et de vous fournir un coffre adéquat, et vous aurez presque immanquablement, au mieux une moue, au pire un refus. En ce cas je vous invite à lui communiquer l'offre faite sur ce sujet par un de ces concurrent en prenant soin de préciser qu'il ne vous demande, en contrepartie, que le transfert de votre compte courant.

L'affaire sera réglée et vous pourrez passer vos transactions par lui. Y compris la livraison en mains propres à votre agence. Votre banquier n'aimera pas plus l'or mais, comme c'est un bon commerçant, il vous fera croire le contraire.

La question est bien sûr de savoir pourquoi votre banquier n'aime pas l'or.

Serait-ce parce qu'il ne vous rapporte rien ? Ou parce qu'il ne lui rapporte rien.

Sur ce point je vous invite à :
- examiner le rendement réel de votre épargne - en termes de pouvoir d'achat - durant ces dix dernières années. Sans vous réfugier dans les statistiques officielles d'évolution du côut de vie. Vous souvenez-vous du prix de la baguette et du litre de lait en 1998 ? Ramenez ce prix en Euros et faites un rapide calcul du rendement net nécessaire pour maintenir le pouvoir d'achat de votre épargne,
- vous interroger sur l'impact d'une monnaie inflationnistes pour respectivement le préteur ordinaire, l'emprunteur et le banquier ...

Question subsidiaire "Comment auraient évolué ces différentes positions, celle du préteur, de l'emprunteur et du banquier si la denrée prétée avait été un métal précieux ?" Et si vous en avez le temps rajoutez l'état à votre équation !

8 - L'or est difficile voire dangereux à stocker

L'or possède un rapport prix/volume particulièrement favorable. Et sous réserve de ne pas stocker vos avoirs sous forme de pièces à primes élevée, le métal jaune est absolument indestructible. Et donc peu exigeant en termes d'entretien. Contrairement à votre mobilier Louis XV.

Si ne vous possédez qu'un faible patrimoine, oubliez-le dans un tiroir, plutôt au fond tout de même ... Et l'affaire sera fait ! Si votre patrimoine est plus conséquent, un coffre en banque est peu couteux. Et nos régimes politiques ne tourneront pas à la confiscation en quelques mois. En attendant cette issue tragique à laquelle votre serviteur ne souscrit pas, seuls les goldbugs plus paranoïaques le conserveront à domicile. A leurs propres risques !

9 - l'or est contraire à l'intérêt public

Encore une idée répandue qui ne tient pas à l'analyse. Le métal jaune - par la fascination qu'il a parfois exercé sur l'humanité - invite effectivement à l'épargne. Et dans certaines situation à la thésaurisation. Aussitôt qualifiée de stérile ...

Pourtant en présence d'un outil de stockage de la valeur fiable, des peuples dépensiers peuvent retrouver la vertu de l'épargne.

Au regard de l'effroyable gabegie collective des pays de l'OCDE qui ne préparent ni leur avenir ni même la simple retraite de leurs anciens, l'or est d'une singulière modernité.

Et rappelons sur le fonds qu'il est possible de prêter en or ... et de verser des intérêts sur une monnaie gagée sur l'or ... Ce fut le cas des pays occidentaux durant le XIXeme siècle. Et beaucoup de penseurs ont fait de la stabilité de l'étalon métallique l'un des facteurs essentiels du remarquable parcours de notre continent durant cette "age d'or".

Évidement au vu du parcours des deux derniers emprunts français libellés en or, Pinay et Giscard, on peut comprendre que désormais les autorités monétaires ne soient pas pressées de voir le métal jaune reprendre du service ... Et même si les détenteurs d'or d'épargne se plaisent à y penser, l'or ne doit être perçu que pour ce qu'il est, une source de vérité monétaire indispensable à la qualité du système monétaire ordinaire.

Ce de point de vue, l'or est aussi propice à l'intérêt public que le policier et le juge sont utiles à la paix civile. Dans dans la mesure où l'or est à le meilleur thermomètre de la qualité des instruments monétaires.

Faisant apparaitre - bien mieux que des indicateurs de cout de vie à la fois contestables quant à la méthode et souvent manipulés à outrance, la destruction de valeur des instruments monétaires. Et offrant surtout à l'épargnant rebelle une alternative efficace à la confiscation de son bien par la destruction monétaire.

Comme tout les grands argentiers, Bernanke le répète à l'envi : "Je surveille l'évolution du cours du métal jaune". Car rien n'est plus ruineux pour la réputation d'un banquier central adepte de la "monétisation" - une création de monnaie sans contrepartie - qu'une fuite vers les métaux précieux. De là à être tenté d'influer sur son cours ....

10 - Seule la remonétisation de l'or lui permettra de reprendre une place de choix

C'est un argument souvent retenu par nos amis banquiers pour en souligner le caractère irréaliste de l'or monétaire et replacer l'or à sa place, située au rayon des antiquités dorées ... Et pourtant le dossier ne tient pas et point n'est besoin de spéculer sur le pire pour confier une part de son épargne au métal jaune.

A sa valorisation actuelle, le stock d'or planétaire représente moins de 5 % de la masse des emprunts obligataires de la planète et donc une très faible part de la valorisation de sa fortune désormais considérable.

Au vu de la faiblesse des ressources en métal du sous-sol de notre planète désormais quasiment tarie, un simple retour en grâce partiel du métal jaune parmi les réserves de change des nouveaux pays riches, une crise monétaire majeure désormais prévisible dans l'un des grands pays de la planète pourraient déclencher une remontée des cours vers des niveaux qui la qualifierait à nouveau pour ce qu'elle est, le lieu de stockage par excellence des grandes fortunes privées.

Au regard du capitalisme sauvage qui a étreint l'Asie, l'Europe centrale et l'Amérique du Sud depuis une vingtaine d'année, le métal jaune a de l'avenir devant lui quelque soit l'évolution du système monétaire.

L'or est sans rendement. Mais les rendements servis par le marché obligataire en période de désordre monétaire sont autant de trompe-l'oeil ... et ce n'est de toutes façon pas ce que lui demandent les grandes fortunes.

Alors que vous fassiez partie des plus riches ou que vous souhaitez maintenir le pouvoir d'achat de votre épargne au delà de quelques années sans pour autant prendre le risque conséquent de l'investissement, qu'il soit immobilier ou en entreprise ou celui, moindre mais non négligeable, du marché obligataire, ne négligez pas l'or dans vos réflexions.

Comme le faisait remarquer une gestionnaire de patrimoine professionnel allemand, les temps ont bien changé. Désormais il est impensable de rédiger une copie patrimoniale sans intégrer l'or. Vous n'avez aucune chance d'emporter le client ...

O tempora o mores!