jeudi 2 avril 2009

Les capacités divinatoires des marchés financiers

Note préliminaire : suite à des demandes légitimes de clarification, ce post moins articulé qu'à l'ordinaire a fait l'objet d'une ré-écriture partielle.

"Le marché nous dit que la déflation est là pour les quatre prochaines années".

Cette réflexion puisée parmi les commentaires d'analystes fait figure de formule de style communément admise. Nous n'y souscrivons pas. Non qu'il ne soit pas envisageable que l'hiver déflationniste ne s'abatte durablement sur nos pays, hélas ...

"Que la déflation soit là pour les quatre prochaines années" fait partie de l'ordre du possible. En revanche nous n'acceptons pas la première partie de la proposition "Le marché nous dit que ...".

Oui, certes les marchés nous délivrent des informations précieuses. Sur la rareté des ressources, la santé des acteurs. On peut parfois même y trouver des indications utiles sur l'avenir de no sociétés. Mais uniquement en temps ordinaire lorsque ces marchés assurent leur rôle de régulateurs.

Les marchés ne fonctionnent que dans la mesure où les instruments de ces marchés sont eux-mêmes opératoires. En période d'instabilité monétaire majeure, les marchés, et tout particulièrement les marchés d'actifs, ne sont plus des baromètres de l'activité économique ... Ou plus exactement les marchés nous indiquent par leur volatilité excessive voire même leurs mouvements contra-cycliques que les fondamentaux mêmes du système monétaire sont perturbés. Et qu'ils sont incapables d'assurer d'eux-même les régulations qu'on peut légitimement attendre de leur part.

Reprenons à ce propos la formulation célèbre de Ludwig Von Mises. Une citation qui résume parfaitement le cœur de l'argumentation des "économistes autrichiens" en matière de gestion de crise majeure : "There is no means of avoiding the final collapse of a boom brought about by credit expansion. The alternative is only whether the crisis should come sooner as a result of a voluntary abandonment of further credit expansion, or later as a final and total catastrophe of the currency system involved."

En clair dans un régime monétaire perturbé par un niveau de dettes dépassant la capacité systémique des acteurs à les rembourser par des moyens usuels - les surplus de l'activité économique ordinaire - le système ne connait que deux issues. Deux résolutions possibles , totalement antagonistes. La faillite des opérateurs, étranglés par le poids de leurs dettes ou la destruction des instruments monétaires servant de base aux opérations financière.

Dans un tel contexte, les marchés et surtout les marchés strictement financiers - n'assurent évidemment plus leur rôle attendu
. Or c'est bien cette situation qui caractérise actuellement une bonne part de l'économie mondiale. Et sans le moindre doute des pays tels que les US, le Royaume-uni et l'Espagne ainsi que de nombreux poids mouches de l'économie mondiale trop nombreux pour les citer ici.

Dans un tel environnement, les marchés n'enseignent ni ne régulent plus rien. Ce sont au mieux que des "chiens fous". Oscillant sous selon le comportement des acteurs et la nature des interventions des banquiers centraux entre désinflation brutale - associées aux liquidations en urgence opérées sur les marchés - et les conséquences massivement inflationnistes d'une création monétaire excessive et surtout asymétriquement et injustement distribuée.

Je dis bien "au mieux", car non contents de ne plus assurer leur rôle spécifiques, les marchés deviennent"au pire" le lieu de manipulations particulièrement perverses. Par des opérateurs bénéficiant des ruptures en cours. Que ces ruptures soient déflationnistes, faillite des opérateurs privée, ou inflationnistes et liées aux injections de cash asymétriques des sauveteurs du système, les grands argentiers.

On se souviendra par exemple de la belle partie de poker menteur réalisée sur le pétrole lors de sa montée à 150 dollar le baril sous l'effet des leviers mis à disposition par les grands argentiers. La descente du cours de certaines matières premières - dont la consommation est faiblement élastique -à des cours notablement en dessous des couts de production procède des mêmes ressorts. A l'inverse.

La seule chose que nous savons de manière raisonnablement sûre est qu'actuellement le système-dollar a basculé vers le défaut de paiement en lieu de la régulation progressive par la dévaluation-surinflation modérée et souhaitée par le grand timonier Bernanke. Un véritable étau. Et qu'une bascule inopinée vers le chaud - l'inflation excessive, au delà de 15%, que l'on peut qualifier comme on voudra - fait pourtant partie des hypothèses. Ce retournement éventuel pourrait être tout aussi brutal que la course aux tangibles que nous avons connu il y a si peu ...

S'il y a bascule, le marché ne verra pas surgir ce mouvement plus qu'il n'a vu venir la désinflation en cours. Car c'est bien les instruments même de l'activité des marchés qui sont perturbés. Et cela aucun marché ne peut le réguler. Sauf évidemment les marchés de l'argent eux-même - via les taux d'intérêt. Mais ceux-ci sont désormais sous le contrôle des autorités monétaires qui tenteront tout ce qui est dans leurs moyens pour éviter la terrible sanction que préparent les marchés obligataires. Et ce sur toutes les échéances désormais, les longues comme les plus courtes.

Les autorités monétaires ayant largement pipé les mécanismes de régulation des marchés de l'argent, on ne peut tabler à court terme sur le retour aux équilibres par la vertu de la dynamique des marchés. Ces déséquilibres vont perdurer.

Dans un tel contexte, je n'ai qu'une seule recommandation : "ne cherchons pas systématiquement de rationalité économique ultime aux mouvements en cours sur les marchés. Considérons cette survolalité pour ce qu'elle est et tentons de sécuriser la nature de ses propres créances sur le système". Ce qui n'est pas facile.

Bonne chance à tous.