mercredi 1 juillet 2009

Volcker, l'éco sur une fine couche de glace

Non, la crise en cours n'était ni imprévisible ni imprévue. Et le choix des dirigeants est évidement, de ce point de vue, essentiel :

Le grand banquier central qui sauva le dollar d'une mort prématuré - au prix d'efforts considérables - au début des années 80 et qui donna à la droite américaine, en raison de la brutalité de son intervention, les arguments fondateurs de son discours néo-CON - nous sort le 10 avril 2005, excellent timing, un texte attirant l'attention des "policy makers" sur la nécessité d'un coup de barre.

Le texte de Paul Volcker est simple, lisible et, a posteriori, d'une totale lucidité. On le relira avec intérêt et, rétrospectivement, on appréciera le choix des mots et son incroyable sens du timing et la lucidité du policy maker. Un extrait de l'article :

"Il n'est pas si difficile sur le plan intellectuel de définir un scenario combinant "atterissage en douceur" et de croissance soutenue. Il existe une vaste zone de consensus parmi les économistes de l'Establishment sur le scénario idéal : la Chine et les économies asiatiques devraient permettre et faciliter une appréciation substantielle de leurs taux de change vis-à-vis du dollar. Le Japon et l'Europe devraient oeuvrer rapidement à la mise en place d'un plan de stimulation et s'attaquer efficacement et rapidement aux obstacles structurels à la croissance. Et les Etats-Unis, par une combinaison de mesures à définir, doivent augmenter fortement le taux de leur épargne interne et réduire ainsi leur importations.

Pouvons-nous, avec un quelconque degré d'assurance, imaginer que puissent être mises en place rapidement l'une ou l'autres de ces politiques et moins encore l'ensemble d'entre elles ?

La réponse est non. Et c'est pourquoi je penses que nous sommes entrain littéralement de patiner sur une couche de glace de plus en plus fine. Sur la trajectoire actuelle, les déficits et les déséquilibres vont s'accroitre. Arrivé à un certain point, la confiance dans les marchés des capitaux qui soutient aujourd'hui si aimablement les flux financiers vers les Etats Unis et cette économie mondiale en croissance pourrait faiblir. C'est alors qu'un évenement ou une combinaison d'évenements pourrait perturber les marchés, entrainant une volatilité destructrice à la fois sur les marchés des changes et celui des taux d'intérêt. Nous avons connu cela durant la stagflation des années 70 - un dollar volatile et déprimé, des presssions inflationnistes, une augmentation soudaine des taux d'intérêt et quelques fortes récessions.

La leçon que je tire est qu'il est de notre plus grand intéret de faire ce que nous pouvons pour minimiser les risques et s'assurer que l'on dispose du temps nécessaire à un ajustement en bon ordre. Je ne suggère rien d'hétérodoxe ou d'inutilement complexe. Nous avons besoin d'une volonté d'agir maintenant - et l'année prochaine, d'agir même si, à la surface des chose, tout semble paisible et favorable."

Mais tout mérite d'être lu avec attention. Encore actuellement en 2009. On pourra contraster ce texte de Paul Volcker avec celui de Ben Bernanke du même jour.

Le capitaine du Titanic tient à y rassurer ses passagers. Le texte indique clairement que le Bernanke de 2005 n'est guère "aux manettes", se réservant dans une posture très académique et professorale pour un simple constat distancié. Celui que que les asiatiques financent les déficits américains. Et, sur le fonds , qu'il ne faut pas s'en inquiéter à court terme. Il y réussira d'ailleurs au delà de toutes espérances.

Les marchés de la dette privée anglo-saxonne, rassurés par le discours rassurant des autorités, vont prendre acte de cette caution morale et politique provoquant, sur fonds de sécurité financière absolue, un emballement planétaire sans précédent historique de la machine immobilière, du private equity et de la spéculation sur les marchés des dérivés de crédit.

L'introduction du discours du grand argentier est d'une clarté limpide. Je cite :

"Je dirai que sur la décade précédent, une combinaison de forces diverses a provoqué une augmentation significative de l'offre d'épargne - un "savings glut" global - qui explique à la fois l'augmentation du déficit courant des comptes des Etats Unis ainsi que le niveau relativement faible des taux d'intérêt long terme dans le monde aujourd'hui.

L'anticipation d'une augmentation massive du ratio retraités/travailleurs dans un grand nombre d'économies industrielles est l'une des raisons de ce taux élevé d'épargne globale. Pourtant, ainsi que je préciserai ultérieurement, c'est le renversement des flux de crédit des économies émergentes qui constituen l'un des aspects les plus intéressants du "savings glut" global. Un mouvement qui a transformé ces économies d'emprunteurs sur les marchés internationaux des capitaux en préteurs nets massifs."

C'est effectivement un Ben Bernanke au ton détaché presque extérieur à sa fonction. Lequel ne voit effectivement absolument rien venir. A moins qu'il n'y renonce de manière anticipée à toute action dans les domaines touchant à ses attributions. Pour le patron de la banque fédérale US, à moins de deux années du crash, la facture des crédits se règlera à long terme, in the long run. Vraisemblablement par la "magie des marchés". Citons un second extrait. A charge évidement :

"Un second problème se pose concernant l'emploi réalisé par les Etats Unis et les autres pays industriels ayant des déficits externes de ces crédits internationaux. Parce que les investissements en équipements professionnels ont été faibles ces dernières années - en raison de leur cyclicité et pour d'autres raisons - et parce que le système fiscal et financier des Etats Unis et de nombreux autres pays ont été conçus pour favoriser l'accès à la propriété par les ménages, une large part des flux de capitaux récents s'est glissé dans la construction de logements et dans l'augmentation des prix. Ces prix plus élevés ont encouragé les ménages à augmenter leur consommation. Bien sûr, l'augmentation du taux de propriétaires individuels et celle de la consommation des ménages sont de bonnes choses. Pourtant sur le long terme, les gains de productivité seront tirés par les investissements "non-résidentiels", tels que les achats de nouvelles machines. Plus les flux de capitaux augmentent la construction résidentielle et surtout la consommation des ménages, plus la charge économique associée au remboursement de la dette externe sera lourd".

L'Internet peut être particulièrement cruel. A moins que ce ne soit la réalité des faits qui le soit. En qualité de modeste "détenteur de liquidités", le terme déprécié dont nos amis banquiers affublent l'épargne des agents économiques, mon choix est fait. La planète a besoin d'un système monétaire solide et d'un banquier central en prise avec les réalités de son métier. Un Volcker plutôt qu'un Bernanke.

Mais évidemment, nous le savons tous. L'économie US, et plus important encore, son "corps social" ne sont tout simplement pas en mesure de supporter le traitement nécessaire à la remise en selle de ses fondamentaux monétaires et, en conséquence, financiers et économiques.

Le pays va vivre une conjonction de déflation durable des actifs doublée d'une "inflation importée" massive, d'Asie pour les produits industriels, et de toute la planète pour ses "commodities". Le terme de stagflation ne convient pas pour décrire les symptômes prévisibles. Mais à défaut, on s'en satisfera.

Les choix faits par les autorités politiques et monétaires des US en termes de sauvetage ne nous laissent guère de raison d'être optimiste sur la capacité du tissu économique nord-américain - "non le tissu économique ce n'est pas les banques !"- à faciliter le retour des US dans le grand bain des échanges industriels. Et pourtant ce retour est tout simplement indispensable à la survie d'un système monétaire actuel gagé sur la capacité de ce grand pays, les US, à honorer ses engagements.

A moyen terme, la glissade sera difficilement contrôlable. Les particuliers américains font actuellement leur part du travail en reprenant le chemin de l'épargne nette. Un effort justifié quoi que tardif et contrecarré à contre-cycle contre la logique des évènements par une administration publique qui tente désespérément de relancer un moteur qui vient bien de caler.

Les choix de l'administration Obama traduisent le primat du financier sur l'économique et le souhait du retour au statu quo précédent. Sans revenir sur les sources de cette crise, née d'un cocktail de dés-industrialisation, de surconsommation privée et publique sur fonds d'engagements militaires et de perte de repères sur tous les plans.

Ce choix politique favorise outrageusement la sphère financière et va contribuer à détruire un peu plus la confiance du peuple américain en son gouvernement fédéral. A un moment où celui-ci a un impérieux besoin d'être soutenu.

Devant ce noir constat et pour ne pas perdre espoir devant la glissade ploutocratique du pays, on pourra lire les textes de marginaux idéalistes qui veulent redonner aux US leur place de choix dans le concerts des nations industrielles.

Tel que http://economyincrisis.org/ (en VO US). Et bien sûr la remarquable blogosphère financière US dont le courage et la détermination à dire, souvent à visage découvert, la vérité des évènements est à mettre au crédit de ce grand peuple.

mardi 16 juin 2009

l'absolu naufrage de la science économique

Pouvez-vous m'indiquer le bureau qui a assuré le recrutement de Ben Bernanke ? Plus sérieusement il incarne avec son mélange de sureté scientifique et morale ce que l'Amérique peut produire de pire sur le plan politique : "Un honnête homme délivrant une politique qui ne l'est pas."

Intégré à un carcan intellectuel académique qui a patiemment ré-écrit l'histoire économique et la science associée depuis une cinquantaine d'années, il représente, hélas avec talent, ces courants de pensée qui, d'une relecture de Keynes à Friedman, prétendent que le comportement des entités macro-économiques peut être échapper au bon sens du commun des mortels :

Que le sur-endettement qui asphyxie le ménage ou la PME en fort peu de temps peut sauver le pays ou, mieux encore, une zone monétaire voire la planète entière ? Que les déficits macro-économiques massifs - commerciaux ou budgétaires - qui met à la porte le dirigeant d'entreprise peut stimuler l'économie.

On a le droit de souhaiter le retour dans les média d'un journalisme économique respectueux de notre bon sens et la citation d'économistes ayant réussi.

M'adressant à des épargnants sensibles à la sécurité apportée par le métal jaune, je citerai Rueff à qui notre banque nationale doit une bonne part de ses réserves d'or. Mais j'aurais pu appeler à la rescousse Wilhelm Röpke le père intellectuel du miracle financier allemand d'après-guerre ou tout bonnement Adam Smith ou Frédéric Bastiat. Sans oublier Karl Marx dont on reconnaitra que sa perception des crises du capitalisme a donné et donne encore de fort intéressantes clés de lecture sur notre vie économique. Notamment sur la crise en cours de mise en place en Chine.

On se refusera à citer ou à cautionner ceux qui ont contemplé sans un frémissement nasal, la tension qui se mettait en place de 2004 à la mi-2007 sur les marchés du crédit. Et moins encore à faire appel à leur science pour remettre en selle l'économie mondiale.

La science économique doit accepter son absolu naufrage. Et messieurs Gordon Brown et Ben Bernanke s'honoreraient à proposer leur démission.

PS: du même tonneau, sans fonds, Mike Sheldock rappelant à Krugman - pour qui il ne faut surtout pas reculer devant un risque inflationniste aux abonnés absents - une phrase nichée dans un edito de 2002 et désormais pleine de saveur. Une saveur très amère :

"Pour combattre la récession - NdT celle de 2001-2002 - la Fed n'a pas besoin de 'remettre la balle au centre'; elle a besoin d'une puissante demande des ménages pour compenser le volume moribond des investissements du monde des affaires. Et pour faire cela, ainsi que le propose Paul McCulley de Pimco, Alan Greenspan doit créer une bulle immobilière pour remplacer la bulle du Nasdaq".

Les termes sont précis et ils sont difficilement justifiables. Même hors contexte.

Que sommes-nous en droit d'attendre de celles et ceux qui ont structuré -par leur réflexions ou leur action - la vie financière de la planète ? Peut-être simplement de la décence et de l'humilité. On peut sérieusement craindre qu'elles ne fassent leur apparition trop tard. Au point d'endommager de manière difficilement réversible la confiance des acteurs à tous les niveaux.

mercredi 10 juin 2009

le prix du pain, le yuan et le cours du métal jaune

Une contribution qui fait suite à des comparaisons centrées sur les performances financières relative à long terme de l'or et celle de l'immobilier hexagonal dans un forum boursier à forte notoriété.

Vous noterez avec intérêt que ces analyses ont été réalisées sur des bases très diverses. Du prix du pain au cout de la main d'œuvre sans oublier le prix d'un simple repas. Mais le plus souvent la comparaison porte sur biens immobiliers localisés en France. En clair on compare le prix de l'once d'or fin - international et unique - à de celui de biens non circulants (non-tradable) et qui plus est des actifs potentiellement spéculatifs. C'est intéressant mais terriblement partiel et partial. Car la photo est évidemment à prendre sur une perspective historique longue mais également une échelle géographique globale, celle de marchés, désormais mondialisés.

Citons wikipedia sur les parités de pouvoir d'achat : "Dans un marché global et unifié, sans coût de transport, les produits identiques ont tous le même prix au même instant et à tous les endroits de ce marché." C'est évidemment loin d'être le cas actuellement.

Du cout de l'appareil photo numérique à celui de la voiture, les différentiels de parités de pouvoir d'achat ont actuellement un degré de distorsion rarement atteint. En dépit d'une mondialisation arrivée quasiment à son terme. Y compris les prix de gros ou encore prix industriels. Pour des raisons économiques, mais également en raison d'une sous-évaluation systématiquement mercantiliste des taux de change par les pays asiatiques. Un phénomène mal anticipé par les architectes et les nouveaux grands prêtres de la mondialisation.

Où le marin veut-il en venir ? A une considération majeure. Ces valorisations de notre immobilier sont faites localement dans notre pays et sur la base de parités monétaires largement instrumentées. Des parités artificielles qui ont entrainé, outre une accélération spectaculaire de la désindustrialisation de nos pays, des conséquences financières dont certaines sont particulièrement lourdes :

  1. la dépréciation accélérée dans nos pays de tous les biens facilement transférable et la surévaluation relative de tous les biens, actifs et services non circulables, ceux-ci ne pouvant donner lieu à des arbitrages sur les marchés internationaux,
  2. une perfusion massive des systèmes bancaires occidentaux à partir des ressources mises à notre disposition par nos créanciers internationaux dans le droit fil de leur politique de "sous-évaluation monétaire durable",
  3. la surévaluation mentionnée en 1. est accrue à due proportion des politiques de crédit mises en place pour les "biens immobiliers" considérés par nos banquiers comme des actifs financiers et donc susceptibles de bénéficier de leviers financiers à l'acquisition. Ces leviers ont atteint des niveaux sans précédent historique en dehors de la grande spéculation japonaise des année 80.

Si nous nous devons de mentionner le rôle joué par la Fed dans le bradage des taux d'intérêt durant la période qui a suivi la crise de 2001, c'est effectivement largement à l'instrumentation des parités par les grands pays asiatiques - sous la pression financière indirecte et très largement involontaire de Pékin - que nous devons ces prêts à long terme particulièrement bon marché qui ont fait levé depuis dix ans nos prix immobiliers comme de la pâte à pain. Et qui gonflent désormais, massivement et dans l'indifférence générale, la dette publique de nos pays.

Si les taux sont si faibles, les durées si longues et le banquier si aimable ... Cela ne doit rien au hasard. Et tout à la nécessité monétaire.

Tenez compte de ces puissants mécanismes dans votre anticipation de l'évolution de la parité entre le métal jaune et la valeur de notre parc immobilier. L'immobilier occidental a bénéficié d'une double stimulation.

Comme nous l'avons vu, contrairement aux biens industriels l'immobilier est par nature intransportable et n'est pas sujet à aux considérables arbitrages négatifs qui ont pesé sur les biens industriels. Notre parc immobilier a de plus bénéficié - en qualité d'actif financier - du soufflé monétaire en cours. Pensez-vous que cela soit amené à durer en cas de modification du paysage monétaire et financier ?

Je ne prendrai pas le pari que nos partenaires commerciaux internationaux continuent à se porter acquéreurs de nos dettes, même élégamment emballées et dument garanties par nos banques voire nos institutions publiques, si nous cessons de leur assurer des excédents massifs ...

vendredi 29 mai 2009

Lettre ouverte - Krugman edition

Cher Monsieur Krugman,

Dans l'un de vos récents edito, vous donnez votre appréciation sur la grande crainte de l'inflation, qui s'est selon vous glissé récemment dans les média à la faveur, dites-vous, d'une campagne très largement politique.

"I suspect that the (big inflation) scare is at least partly about politics rather than economics." Ce n'est pas n'est notre avis. Et si vous prenez le soin de regarder avec attention l'origine des attaques et surtout le pedigree exact des économistes et commentateurs, vous en conviendrez avec nous qu'il ne s'agit pas d'une attaque issue du parti républicain.

Celles et ceux qui aujourd'hui évoquent la question de l'inflation ne sont pas, ni de près ni de loin, politisés. Ce sont pour la plupart des épargnants, et leurs représentants souvent marginalisés, y compris au sein des mouvements conservateurs, qui ont fait le choix de la confiance dans l'épargne fiduciaire et qui examinent la situation. Certains, retraités en particulier, n'ont guère d'autre choix de la confiance dans l'épargne fiduciaire. Et nombre d'entre eux disposent de revenus modestes et non indexés. Et participent via leur épargne fiduciare longue à un mécanisme essentiel au fonctionnement d'une économie saine et viable.

Parmi ces épargnants une grande part de non-nationaux, qui n'utilisent pas le dollar comme instrument de leurs échanges usuels. Mais qui examinent avec une crainte croissante l'évolution des budgets des grands états de l'OCDE. Nos pays sont globalement en paix, ne se relèvent d'aucun traumatisme particulier sur le plan humanitaire et ne financent plus guère d'infrastructures lourdes. Et pourtant l'examen, un tant soit peu honnête, de leurs comptes, n'appellent qu'à la vigilance croissante.

Les taux de refinancement des dettes publiques vont monter. Vous le savez, comme nous-même. Et ils ne dépendent pas de l'autorité publique. Mais de la réalité objective des marchés. Les manipulations subtiles par les autorités monétaires des marchés obligataires ont bien servi la cause d'une spéculation sans limite des opérateurs économiques. durant une bonne part de la décennie qui vient de s'écouler. Tout particulièrement aux Etats-unis. Chacun se rappelle la politique de Monsieur Greenspan. Ces interventions seront bientôt inopérantes.

Car ces fonds d'épargne fournis à prix cassé et placés sans justification financière décente ont eu un cout économique. A l'issue d'une période de gabegie de ce qui est une ressource particulièrement rare - l'épargne privée nette ordinaire, on peut raisonnablement douter que les interventions des grands argentiers sur les marchés obligataires permettent à nouveau ce genre d'acrobatie.

Cher Monsieur Krugman, nous comprenons l'attachement que vous portez à vos convictions politiques et à la vivacité de interventions dans le débat national US. Qui sont tout deux éminemment respectables. Mais, cette question n'est pas un débat politique intra-américain. Mais un problème d'arithmétique élémentaire "L'épargne est-elle rentable ?". On la résumera à une question directe : "Comment à évolué le pouvoir d'achat objectif d'une somme 100 dollars US du 1er janvier 2000, dument rémunérée par les marchés obligataires ? " (*)

Bien cordialement

(*) On vous remerciera de ne pas limiter votre panier d'achat à des produit issus de la production industrielle de pays asiatiques. Et d'intégrer dans votre analyse les défauts anticipés de règlement de la sphère obligataire privée US porteuse de l'épargne sus-mentionnée. Et, bien sûr, une certaine prime de risque. Notamment si l'on opère sur des périodes plus longues. Et depuis un pays tiers.

vendredi 15 mai 2009

Lettre ouverte au cher Professeur

Cher Monsieur Roubini,

Dans l'un de vos récents edito, vous émettez l'hypothèse de l'installation du Renminbi parmi les monnaies dites de réserve. Détrônant par la même occasion le dollar du socle sur lequel il sortit, solidement fixé, tout naturellement des évènements de la seconde guerre mondiale.

Une lecture attentive du texte nous permet de percevoir les nuances du texte et son articulation. Et surtout le caractère hypothétique et éminemment provocateur de la proposition dont on aura bien compris qu'elle vise surtout à alerter l'Amérique du Nord sur l'urgent retour aux grands équilibres !

Pour autant, puis-je me permettre de questionner la proposition tout autant que le procédé journalistique. Car la question des échanges monétaires internationaux se pose désormais avec une acuité sans précédent historique. Elle ne se réduit plus à la question de la substitution d'une "monnaie de réserve" par une autre. Ni même encore plusieurs autres tout aussi mal gagées. Car c'est désormais tout l'édifice élaboré depuis Bretton Woods qui est fragilisé dans son ensemble. Et ce à l'extrême.

Du bilan des états-nations de l'OCDE à celui des banques en passant par celui désormais en ligne de mire des grands argentiers appelés à jouer les variables d'ajustement, c'est la construction même du système assurant la régulation des échanges commerciaux et financiers internationaux qui est en péril.

On peut évidemment raisonnablement estimer que le système monétaire actuel est toujours en mesure d'assurer le support des flux désormais à très court terme du commerce mondial. Certes les volumes échangés ont cru à un niveau sans précédent historiques. Mais a contrario les cycles commerciaux, à flux tendus, sont désormais particulièrement cours. En dépit des difficultés, le système monétaire assurera toujours sans difficulté son rôle de "moyen d'échange" sans difficulté. En revanche au vu des déséquilibres en place, n'est-il pas illusoire de penser que la notion même de "monnaie de réserve" puisse perdurer dans son format actuel ? Même sous un format de panier monétaire.

Il faut effectivement évaluer l'hypothèse selon laquelle les monnaies de réserve perdraient durablement leur rôle de "store of value" de long terme, leur importance refluant massivement sur les marchés. Les échéances longues devenant, à juste titre, difficilement négociables sur les marchés obligataires internationaux.

Comme le remarque avec ironie Brad SetSer dans un post récent, l'investisseur privé chinois dédaigne désormais le dollar. Et c'est à la volonté politique d'acteurs tel que l'état chinois que le "marché obligataire" international doit l'essentiel de son considérable appétit pour la dette nord-américaine ("That is one of many ironies of the Bretton Woods 2 system. Its stability hinges on the willingness of central banks in the key surplus countries to buy dollars when private investors in their countries won’t.").

L'amélioration de la visibilité du Yuan et sa potentielle libre-convertibilité seraient autant de mesures susceptibles d'apporter de l'oxygène au système monétaire international en réduisant le flux des émissions obligataires souveraines transnationales qui parasitent désormais massivement les les marchés financiers internationaux.

Pour autant, "en l'état des grands dés-équilibres," les monnaies de réserves ne sont-elles pas appelées à refluer pour reprendre un statut qu'elle n'auraient jamais du quitter ? Celui d'un simple outil de règlement des transactions commerciales internationales.

La presse a qualifié de "credit crunch" la glaciation relative du financement transnational privé . Cette réduction des flux financiers transnationaux n''est-elle pas tout simplement inéluctable voire même économique nécessaire ? Pour mettre un terme aux considérables "mis-allocations" de capitaux - erreurs d'investissements, dirions-nous - des dix dernières années. Et même politiquement souhaitable ?

Du défaut d'une grande banque internationale à celui d'un grand état de l'OCDE, le vide juridique est considérable. De plus il n'existe aucune construction juridique transnational vraiment solide de règlements des litiges touchant aux très grands défauts de créances à l'international auxquels nous allons être confrontés ? N'est-ce pas plus raisonnable dans ce contexte de voir le rôle des grandes monnaies refluer à un rôle plus conforme à leur solidité financière ? Et surtout n'est-ce pas plus porteur de sérénité et de paix civile ?

Dans un contexte de cette nature, à très haut risque, on pourra comme Jacques Attali appeler de ses vœux la mise en place d'une gouvernance financière mondiale. Ou peut-être plus surement analyser la situation actuelle avec les grilles de lecture d'un Jacques Rueff ou d'un Wilhelm Roepke. Qu'auraient-ils dit de l'imbroglio en cours ?

PS: on pourra lire avec intérêt sur le sujet du rôle des banquiers centraux l'article récent écrit pour Asia Times par Hossein Askari and Noureddine Krichene

lundi 4 mai 2009

“We’ll never give up on new investments,”

“We’ll never give up on new investments” , "nous ne renoncerons jamais aux investissements". Cette phrase extraite d'une conférence de presse d'un dirigeant d'un des plus grands armateurs chinois donne le ton. En plein marasme économique. Ce genre de nouvelle n'est évidement pas de nature à rassurer l'actionnaire privé sur l'avenir financier de cette entreprise.

Nous ne dramatiserons inutilement pas la nouvelle de Bloomberg. La construction et le lancement de nouveaux navires de commerce tient plus de la nécessité sociale impérative que la myopie financière.

Les autorités chinoises ont mis en place une politique d'incitation forte à l'investissement. Politique massive contra-cyclique destinée à forcer l'allure en cette période marquée par un retrait de la grande exportation, majoritairement à destination des pays de l 'OCDE. Les industriels suivent. C'est en l'espèce simple et justifiable. Au moins court terme.

Cette politique donne d'ailleurs déjà des résultats conformes aux attentes des dirigeants dans la mesure où les volumes nominaux d'investissement ont cru de manière spectaculaire. On lira à ce propos avec intérêt les post du blog de Michael Pettis. Lequel nous alarme utilement sur l'étranglement du secteur des PME et de l'économie de services, un véritable avant-poste de la consommation locale. Signe que l'économie chinoise est toujours dans la logique précédente.

Je suis persuadé, comme Michael, de la nécessité de voir l'économie chinoise se re-balancer en faveur d'une économie faisant une plus large part au consommateur local. Et tout autant convaincu que l''étranglement en cours du secteur des PME trahit vraisemblablement la difficulté qu'a le pays à re-concevoir partiellement ce qui a fait la force de la Chine depuis une vingtaine d'années. De ce point de vue, c'est la question majeure du moment. Pour l'ensemble de la planète.

La question n'est pas aujourd'hui de savoir si cet argent dépensé en 2009 va irriguer utilement et efficacement le tissu économique chinois ou, à l'inverse, accroitre ses déséquilibres actuels et, in fine, ceux de l'économie mondiale. Finalement peu importe à court terme. La véritable interrogation porte sur la capacité d'un pays à revoir un "modèle économique de développement" qui a fait ses preuves. La Chine peut à court terme continuer sur les rails mis en place durant la décennie précédente. Mais au delà, comment le pays pourra-t'il infléchir ses axes de développement ?

Il convient d'être réaliste sur ce plan. Un grand pays revoit rarement sinon jamais ses fondamentaux de développement. Lesquels sont d'abord le fruit de son histoire, de sa culture et des évènements et surtout du "génie" de son propre peuple. La volonté politique et des orientations des dirigeants n'interviennent qu'à titre subsidiaire. Elles ne sont bien souvent que l'"art du possible".

En l'espèce, la situation est un peu différente. Les autorités chinoises disposent effectivement d'une marge de manœuvre. Une capacité à maitriser le cours des choses qui est à la fois financière - en raison de ses réserves de change - et politique - grâce à un remarquable parcours depuis Mao.

Pour autant, il ne faut pas négliger un facteur essentiel, la brutalité du retournement de cycle. Il est peu probable que l'économie mondiale retrouve la dynamique qui a marqué le début des années 2000. Et il n'est plus envisageable de continuer la partie en cours, la fameuse globalisation, dans ses conditions récentes marquées par des déficits commerciaux structurels massifs.

La Chine doit trouver dans un avenir relativement proche - disons deux à trois années - de nouveaux ressorts pour sa croissance. Les échanges internationaux se retrouvent fragilisés par l'insécurité croissante de ses instruments de paiement, y compris ceux réputés les plus solides, les monnaies de compte internationales. Et seul un ré-équilibrage progressif des balances commerciales les plus détériorées peut permettre d'éviter le pire.

La Chine doit s'inscrire dans ce mouvement. De la voitures à l'électronique grand public, et au secteur du luxe et du tourisme la planète a besoin de de voir le citoyen chinois arbitrer par sa consommation personnelle la situation économique et financière en cours.


Si les autorités chinoises tentent de forcer financièrement le pays dans une direction trop unilatéralement productiviste et mercantiliste via des investissements massifs dans les infrastructures publiques et industrielles, les marges de manœuvre pourraient disparaitre très rapidement. Et le pays manquer ses chances historiques. Et ce d'autant plus rapidement que ces investissements auront été conçus dans un esprit qui risque de devenir rapidement terriblement old hat.

Old hat les usines ultra-modernes sans le moindre client, les infrastructures portuaires sans activité, les capacités sidérurgiques en plein marasme international ... La photo-souvenir pourrait prendre des allures de désastre.

On suivra donc avec intérêt les évenements à venir et on continuera de guetter les nouvelles issues de Chine et portant sur les choix de développement et sur l'inflation.

Concernant le premier point, les choix de développement, le débat interne n'est pas hélas réellement accessible en direct pour des raisons tant linguistiques que politiques. On est le plus souvent réduit à l'anecdote. Comme dans le cas mentionné aujourd'hui. Et c'est dommage.

Le second plan - la politique monétaire - est encore plus crucial. encore La politique de reflation massive des investissements - est elle-même une conséquence directe des flux monétaires extérieurs. La masse monétaire chinoise croit et d'autant plus que ses taux de change ont été fixés à un niveau fixe arbitrairement bas.

La politique monétaire est souvent plus lisible que les débats proprement politiques, quelque soit le régime politique. Et c'est pourquoi on doit pouvoir se pencher avec intérêt sur les déclarations et les décisions de la banque centrale de Chine. Au même titre que sur celles de ses alter ego des autres grands pays industriels. Je tenterai de le faire pour mes lecteurs dans les mois à venir. Car il s'y joue sans aucun doute une part du succès de la mécanique économique mondiale des dix prochaines années.

mardi 28 avril 2009

Chine, l'aggiornmento est-il encore possible ?

Le cœur industriel de la nouvelle économie mondiale est désormais implanté en Chine, précisément dans une large bande côtière établie tout le long du littoral chinois. C'est là, et vraisemblablement pour quelques décennies, que va se jouer une bonne part de l'avenir de notre planète. Grand intégrateur industriel, doté d'une fantastique réactivité - celles des nouveaux capitalistes privés chinois - cette zone de la planète a constitué en moins de quinze années un formidable outil au services de notre humanité.

On se prend à imaginer la Chine assurant le relais des US sur la scène politique internationale. En offrant à tous les pays du monde, y compris les plus pauvres, le spectacle de l'enrichissement à la fois spectaculaire et pacifique de ses ressortissants. Le spectacle des jeux olympiques de Pékin fut pour beaucoup, chinois ou non, l'annonce de cette ère nouvelle, celle d'une population chinoise, active, joyeuse et citoyenne du monde.

Cette hypothèse optimiste ne doit pas être évacuée. Car la Chine offre les leviers d'un développement harmonieux. Mais il ne faut pas se voiler la face. La situation actuelle ne répond pas aux attentes légitimes que tous peuvent avoir. Citoyens ordinaires chinois en tête. Et les risques sont désormais nombreux de voir le modèle de développement choisi par ce pays déraper à court et même moyen terme (5 ans).

La Chine est effectivement à la croisée des chemins. Elle doit impérativement modifier son modèle de développement comme l'ont fait avant eux, sur des proportions considérablement plus faibles, les tigres que l'Asie a lancé dans l'arène internationale, du puissant Japon à la Corée sans oublier les nombreux miracles de taille modérée que comporte la région Asie-pacifique, de Taiwan à Singapour et Hong Kong.

Tout le monde le ressent intuitivement. La Chine est potentiellement aux portes d'une nouvelle époque, un nouvel "age d'or". Elle dispose de tous les leviers utiles, le capital qui a manqué si longtemps, les savoir-faire transférés et les infrastructures en place. Ne manque qu'une juste et intelligente gouvernance pour accéder au premier rôle sur la planète.

Pourtant en cette période de crise financière et monétaire majeure, que constate-on nous sur le plan interne chinois ? Ne nous leurrons pas sur la paisibilité de la vie politique interne du pays. Le débat s'est considérablement tendu.

Tensions entre les partisans d'une normalisation progressive de l'économie chinoise sur ses acquis actuels associée à une revalorisation progressive de sa monnaie et ceux, visiblement désormais majoritaires, d'une poursuite du développement dans des conditions proches de celui des vingt dernières années. Sur fonds d'accroissement persistant et massifs des capacités industrielles et de concurrence interne.

Tensions que l'on pourra utilement simplifier en la ramenant schématiquement entre une côte désormais massivement développée vraisemblablement soucieuses d'évoluer vers un modèle proche de la Corée ou du Japon. Et d'autre part des régions plus lointaines qui n'ont pas encore atteint les places du podium. Tension arbitrée avec talent par Pékin. Mais non sans difficulté. Et surtout tension désormais largement concentrée sur le débat monétaire et ses accessoires, de la subvention aux exportations à la politique de crédit et d'infrastructure.

J'invite ceux qui ne l'ont pas fait à lire les posts parfois confus mais toujours utiles de Michael Pettis sur les développements monétaires et financiers chinois. Il semble bien clair que le pays est entrain de tenter de résister à la crise en forcer l'allure sur le plan de la politique de crédit et celle des infrastructures publiques. Aux dépens du nécessaire aggiornmento.

Forcer la machine est évidement une solution qui s'impose souvent en période difficile. Mais elle peut être risquée lorsqu'il faut en pratique d'abord et avant tout modifier son cap. La direction est bien souvent aussi essentielle que l'énergie déployée.

Les enjeux sont nombreux et les solutions sont claires. La Chine doit vraisemblablement dans un même élan :
  • permettre à ses champions industriels de monter la valeur ajoutée de leur exportations,
  • faire le deuil de certains pans de son développement initial, textile en tête,
  • associer ses citoyens ordinaires aux fruits de l'expansion.
Sur le plan pratique cet accès à la modernité n'implique pa nécessairement une liberté politique à l'occidental. Mais à minima par :
  • en priorité, la flottation de sa monnaie et l'acceptation de ses conséquences,
  • l'intégration au droit commun international de la propriété intellectuelle,
  • la mise en place de minima sociaux explicites, tout particulièrement en matière de santé.
La Chine n'est pas en mesure - pas plus que qui que soit - réaliser l'impossible. Et c'est pourtant bien le plan actuel du gouvernement chinois qui a émis clairement le souhait de :
  • continuer sa politique de "monnaie faible" et de subvention fiscale à l'exportation,
  • transférer les industries à faible valeur ajoutée dans l'Ouest du pays contre toute logique géographique et énergétique,
  • spécialiser les côtes dans les industries à haute valeur ajoutée sans modifier le modèle de création de valeur.
A court terme - dans le contexte de la crise en cours - le gouvernement semble continiuer de privilégier des efforts massifs d'infrastructure et l'augmentation des capacités industrielles par une politique de crédit très active. Au dépens de l'indispensable ré-équilibrage de l'économie au profit de la consommation interne.

Pour votre serviteur, ces choix tiennent plus du souhait de maintenir le consensus entre de très nombreux et très constradictoires "courants" que de la volonté de réaliser un "grand bond en avant". Mais les résultats risquent d'être très décevants.

Quels résultats ? A court terme, une augmentation désastreuse des surcapacités industrielles. A moyen terme, un affaiblissement progressif de la position concurrentielle de la Chine et surtout un retard à l'allumage considérable en matière de développement des "hautes technologies". Et évidement un accès toujours repoussé pour ses ressortissants aux fruits de leur impresssionnant développement.

C'est dommage. Le gouvernement chinois travaille dans un environnement particulièrement difficile et contraint. Ses marges de manœuvre sont donc particulièrement étroites. Car le pays est fort peuplé et relativement pauvre sur le plan des ressources. Une situation sans rapport avec les formidables leviers de pays mieux dotés par la nature et moins lourdement peuplés.

Ce serait une grosse déception. La planète a besoin de l'intelligence et de la consommation chinoise tout autant que de leur labeur et de leur industrie. Restent de réels motifs de satisfaction. Sur le plan interne, celui des média et de la législation qui progressent. Et surtout sur la scène diplomatique internationale où les autorités font, et depuis bien longtemps, preuve d'une sagesse que beaucoup de nos pays pourraient lui envier.

Espérons que le pays prenne rapidement la mesure des risques qu'il prend actuellement. On peut l'espérer et le souhaiter. Mais quelle que soit la qualité des gouvernants, il faut anticiper également les conséquences d'une poursuite de la politique en cours. La montée rapide des surcapacités chinoises ne peut être que désastreuse pour l'ensemble des acteurs des secteur industriels traditionnels.

Quelles conséquences sur votre épargne ? La Chine est lointaine sur le plan géopolitique. Elle est pourtant désormais toute proche sur le plan économique et financier. Ne sous-estimez pas les risques associés à l'échec des chinois à trouver la sortie élégante à leur remarquable parcours.

Si la Chines trouve les moyens d'un développement harmonieux et adouci, c'est en Asie à proximité du nouveau géant qu'il vous faudra investir massivement. Mais pas nécessairement en Chine, laquelle n'a absolument plus besoin de capitaux. Le pays n'a guère besoin de capitaux extérieurs à la recherche d'une "rente de situation". Il n'en n'aura bientôt plus le souhait.

Si le pays persiste dans le cheminement en cours nous aurons à coup sur dans un premier temps, des surcapacités délétères qui vont littéralement miner tous les secteurs industriels exposés. Et vraisemblablement des tensions majeures sur le plan des échanges commerciaux. Les multinationales exposées au risque de surcapacités risque de payer très chèrement à la fois les guerre de prix qui vont marquer la période et tout aussi vraisemblablement la réduction des échanges internationaux.

Dans un second temps, la dégradation des termes financiers et économiques amènera la Chine à réduire très sensiblement son crédit-fournisseur d'état - le fameux achat systématique des obligations d'état américaines - au profit d'acquisitions plus tangibles. La porte des marchés-action de l'OCDE lui étant fermé - à juste titre - gageons que c'est sur le terrain des minières, les champs pétroliers et sur les productions à terme des pays tiers qu'elle fera porter son effort.

Alors s'il fallait rentrer actuellement en bourse sur une dynamique sectorielle c'est sur le terrain des valeurs de l'énergie et de l'agro-alimentaire maitrisant leurs approvisionnement soit par leurs actifs ou leurs contrats à terme que je jouerai. S'il fallait parier sur une carte géographique, c'est bien en Afrique et en Amérique du Sud que je placerai des pions. Le risque est grand que nous changions de registre. Pour passer d'une aimable partie de "Monopoly" au jeu "richesse du monde". Espérons que l'ambiance reste cordiale.

PS: concernant le Tibet souvent évoqué sur les forums français, je comprend la situation et les souffrances qui y sont associées mais vous remercie de remettre ce dossier à sa juste place qui est de "politique interne".

jeudi 2 avril 2009

Les capacités divinatoires des marchés financiers

Note préliminaire : suite à des demandes légitimes de clarification, ce post moins articulé qu'à l'ordinaire a fait l'objet d'une ré-écriture partielle.

"Le marché nous dit que la déflation est là pour les quatre prochaines années".

Cette réflexion puisée parmi les commentaires d'analystes fait figure de formule de style communément admise. Nous n'y souscrivons pas. Non qu'il ne soit pas envisageable que l'hiver déflationniste ne s'abatte durablement sur nos pays, hélas ...

"Que la déflation soit là pour les quatre prochaines années" fait partie de l'ordre du possible. En revanche nous n'acceptons pas la première partie de la proposition "Le marché nous dit que ...".

Oui, certes les marchés nous délivrent des informations précieuses. Sur la rareté des ressources, la santé des acteurs. On peut parfois même y trouver des indications utiles sur l'avenir de no sociétés. Mais uniquement en temps ordinaire lorsque ces marchés assurent leur rôle de régulateurs.

Les marchés ne fonctionnent que dans la mesure où les instruments de ces marchés sont eux-mêmes opératoires. En période d'instabilité monétaire majeure, les marchés, et tout particulièrement les marchés d'actifs, ne sont plus des baromètres de l'activité économique ... Ou plus exactement les marchés nous indiquent par leur volatilité excessive voire même leurs mouvements contra-cycliques que les fondamentaux mêmes du système monétaire sont perturbés. Et qu'ils sont incapables d'assurer d'eux-même les régulations qu'on peut légitimement attendre de leur part.

Reprenons à ce propos la formulation célèbre de Ludwig Von Mises. Une citation qui résume parfaitement le cœur de l'argumentation des "économistes autrichiens" en matière de gestion de crise majeure : "There is no means of avoiding the final collapse of a boom brought about by credit expansion. The alternative is only whether the crisis should come sooner as a result of a voluntary abandonment of further credit expansion, or later as a final and total catastrophe of the currency system involved."

En clair dans un régime monétaire perturbé par un niveau de dettes dépassant la capacité systémique des acteurs à les rembourser par des moyens usuels - les surplus de l'activité économique ordinaire - le système ne connait que deux issues. Deux résolutions possibles , totalement antagonistes. La faillite des opérateurs, étranglés par le poids de leurs dettes ou la destruction des instruments monétaires servant de base aux opérations financière.

Dans un tel contexte, les marchés et surtout les marchés strictement financiers - n'assurent évidemment plus leur rôle attendu
. Or c'est bien cette situation qui caractérise actuellement une bonne part de l'économie mondiale. Et sans le moindre doute des pays tels que les US, le Royaume-uni et l'Espagne ainsi que de nombreux poids mouches de l'économie mondiale trop nombreux pour les citer ici.

Dans un tel environnement, les marchés n'enseignent ni ne régulent plus rien. Ce sont au mieux que des "chiens fous". Oscillant sous selon le comportement des acteurs et la nature des interventions des banquiers centraux entre désinflation brutale - associées aux liquidations en urgence opérées sur les marchés - et les conséquences massivement inflationnistes d'une création monétaire excessive et surtout asymétriquement et injustement distribuée.

Je dis bien "au mieux", car non contents de ne plus assurer leur rôle spécifiques, les marchés deviennent"au pire" le lieu de manipulations particulièrement perverses. Par des opérateurs bénéficiant des ruptures en cours. Que ces ruptures soient déflationnistes, faillite des opérateurs privée, ou inflationnistes et liées aux injections de cash asymétriques des sauveteurs du système, les grands argentiers.

On se souviendra par exemple de la belle partie de poker menteur réalisée sur le pétrole lors de sa montée à 150 dollar le baril sous l'effet des leviers mis à disposition par les grands argentiers. La descente du cours de certaines matières premières - dont la consommation est faiblement élastique -à des cours notablement en dessous des couts de production procède des mêmes ressorts. A l'inverse.

La seule chose que nous savons de manière raisonnablement sûre est qu'actuellement le système-dollar a basculé vers le défaut de paiement en lieu de la régulation progressive par la dévaluation-surinflation modérée et souhaitée par le grand timonier Bernanke. Un véritable étau. Et qu'une bascule inopinée vers le chaud - l'inflation excessive, au delà de 15%, que l'on peut qualifier comme on voudra - fait pourtant partie des hypothèses. Ce retournement éventuel pourrait être tout aussi brutal que la course aux tangibles que nous avons connu il y a si peu ...

S'il y a bascule, le marché ne verra pas surgir ce mouvement plus qu'il n'a vu venir la désinflation en cours. Car c'est bien les instruments même de l'activité des marchés qui sont perturbés. Et cela aucun marché ne peut le réguler. Sauf évidemment les marchés de l'argent eux-même - via les taux d'intérêt. Mais ceux-ci sont désormais sous le contrôle des autorités monétaires qui tenteront tout ce qui est dans leurs moyens pour éviter la terrible sanction que préparent les marchés obligataires. Et ce sur toutes les échéances désormais, les longues comme les plus courtes.

Les autorités monétaires ayant largement pipé les mécanismes de régulation des marchés de l'argent, on ne peut tabler à court terme sur le retour aux équilibres par la vertu de la dynamique des marchés. Ces déséquilibres vont perdurer.

Dans un tel contexte, je n'ai qu'une seule recommandation : "ne cherchons pas systématiquement de rationalité économique ultime aux mouvements en cours sur les marchés. Considérons cette survolalité pour ce qu'elle est et tentons de sécuriser la nature de ses propres créances sur le système". Ce qui n'est pas facile.

Bonne chance à tous.

vendredi 27 mars 2009

AIG - Merci qui ? Certainement pas Mamie Nova

Sur les CDS AIG, On ne sait rien ou presque. Et l'article récent du New York Times n'incline personne à l'optimisme. Et moins encore à la confiance. Alors, à défaut de chiffres sur ce dossier où l'essentiel est depuis le début camouflé et maquillé, on peut spéculer. Faisons-le ensemble.

De nombreuses banques européennes se sont appuyées sur AIG - le premier assureur mondial. Pas de risque donc. Même et surtout pour couvrir des opérations qu'elles n'auraient pas financées sans assurance. Au point de prêter à qui il ne fallait pas. Voire même de prêter sans réellement regarder les dossiers. Ou en déléguant vraisemblablement à des juniors judicieusement choisis. Pour leur témérité. Est-ce réellement une qualité dans l'univers bancaire ? Nous le sauront bientôt.

A niveau modéré c'est acceptable. A niveau élevé c'était complaisant et contraire à l'esprit même du métier bancaire sinon à la règlementation et la loi - qui est bien celui de la fourniture du crédit et de son assurance in fine. Mais il faut bien en convenir, à la lecture des chiffres d'une autre nature, très largement rémunéré ...

Pour l'instant le gouvernement US a décidé, comme certains joueurs de poker, de suivre. Sans avoir toutes les cartes. Pour ne pas faire tomber ses propres banquiers. Il ne pouvait évidemment pas juridiquement le faire exclusivement pour ses propres acteurs bancaires. Les européens en ont donc bénéficié. Vraisemblablement uniquement sur les risques US.

Maintenant que le système CDS va devoir faire ses preuves - avec notamment le secteur automobile et tout particulièrement sa sous-traitance qui va tomber - on va faire le compte. Cela sera évidemment sanglant. On peut avoir toutes les craintes. A la fois pour nos bancaires inutilement surexposées et évidemment pour l'"avenir professionnel" de Jean-Claude Trichet.

Soyons directs. Le gouvernement US va vraisemblablement tenter d'avoir la peau de l'un des hommes les plus puissants de la planète en contrepartie de sa générosité dans le sauvetage des créances ou d'engagements foireux - CDS en tête - issus de leur propre système financier. Ce n'est heureusement pas encore fait. Car on construit rarement de bon chantage en invoquer sa propre turpitude. Surtout en politique ...

Mais la pression va évidemment monter. Tout particulièrement sur Sarkozy et peut-être également les belges et les néerlandais. En contrepartie de nos plaques sur AIG, vous lâchez Jean-Claude. Tous veulent la destruction monétaire massive. Brown et Obama en tête. Mais les chinois, pourtant largement créanciers, eux-même sont nécessairement partagés.

Heureusement la construction même de l'Euro est verrouillée sur le plan statutaire et politique.

A défaut d'un cadre fiscal et bancaire cohérent, le système garantit une certaine protection à cet animal politique de premier plan. Et il ne faut jamais sous-estimer les constructions administratives bien conçues. Faible sur le plan de son instrumentation, la construction de l'Euro est à l'image de celle de Bruxelles, sociologiquement et politiquement solide.

De plus certaines nations relativement peu exposées ne souhaitent pas la grande imprimerie ... Cela va chauffer dans les mois à venir. Soit l'imprimante, soit les banqueroutes bancaires, soit pire les deux simultanément.

Quant aux douloureuses suppressions d'emploi du secteur manufacturier, vous l'avez compris, elles sont déjà écrites et quasiment faites. Elles seront d'autant plus dommageables que l'on a -grace à cette finance digne du jeu de Monopoly de nos enfants - largement accusé les surcapacités et repousser les échéances. Surcapacités qui se retournent désormais contre nos sociétés.

Dans ce dossier AIG, à qui devront-nous dire merci ? Certainement pas Mamie Nova

mercredi 25 mars 2009

L’actualité brulante de la pensée de Jacques Rueff

« Le monde est tragique parce que les hommes inventent de toutes pièces des tragédies superflues, c'est-à-dire qu’ ïls ne sont pas sérieux. »

Henry de Montherlant.
La Rosé de Sable, p. XIII

Il y a une quarantaine d’année, un économiste français de renom, Jacques Rueff publiait, à l’age de soixante-quinze ans son dernier ouvrage « le péché monétaire de l’occident ». Réquisitoire courtois mais sans ambigüité contre la politique monétaire de son temps, ce livre reprenait les thèses de l’économiste sur l’urgente nécessité d’une politique monétaire rigoureuse.

Jacques Rueff y évoquait également solennellement une dernière fois son soutien historiquement décalé pour une re-monétisation ordonnée du métal jaune. On peine aujourd’hui à comprendre le sens de cette proposition. A l’issue d’une longue période de stabilité monétaire relative. Mais l’or représentait encore à cette période - les années soixante dix - un moyen de stockage de la valeur patrimoniale encore communément admis.

Je ne peux que sourire en 2009 à la manière dont l'étudiant que je fus perçut tant la prose de cet économiste que sa personnalité. Je fis comme mes collègues étudiants en économie un lecture respectueuse des arguments employés. Non sans trouver aux arguments de Jacques Rueff du poids certes. Mais également un arrière-gout de troisième république pour ne pas dire un franche odeur de naphtaline !

La cinquième république entrait alors déjà dans son vingtième anniversaire. Et les élites françaises, pressées depuis l’arrivée aux affaires de Georges Pompidou d’entrer dans une modernité libérale, cultivaient tout à la fois le respect patriote du Gaullisme des années 60 et, sur un autre registre, un désir immodéré de nouveauté. Dans tous les domaines.

En matière économique et financière, ce progrès, cette modernité se formulaient, comme en matière artistique, en langue anglaise et se libellaient systématiquement en dollars US ... Et la récente et très officielle démonétisation du métal jaune - par Nixon le 15 aout 1971 - apparaissait soit comme un non-évènement soit un dernier et vigoureux « coup de pied au fesses » donné aux folkloriques réserves d’or des banques centrales et à une « pensée magique » d’un autre age.

Nous entrions avec enthousiasme dans la phase ultime de la dématérialisation des transactions commerciales, financières et bancaires et pressentions tout ce que cette dématérialisation monétaire apporterait au commerce et à l’industrie … Tout particulièrement à l’international.

Peut-être aurais-je du à cette époque tenter de comprendre la conclusion de l’ouvrage mentionné dont je rappellerai ici les lignes de conclusion particulièrement explicites :

«Tant que n'aura pas été rétabli un régime de monnaies convertibles, corrigé de la perversion que l'étalon de change-or a infligée au système construit à Bretton Woods, le monde restera voué au déséquilibre des balances des paiements, à l'insécurité monétaire, aux migrations erratiques de capitaux, à l'instabilité des cours de change et à tous les désordres qu'entrainent l'ignorance des hommes et la faiblesse des institutions.

On croirait, en observant l'évolution du système monétaire international, que l'Occident s'applique à mettre en œuvre le conseil de Lénine, suivant lequel :

‘Pour détruire le régime bourgeois, il suffit de corrompre sa monnaie.’ Comment admettre que pareille faute soit commise principalement par le pays qui a voué tant d'efforts et tant de soins à préserver, pour lui et pour les autres, le régime de la libre entreprise et qui a consacré tant de sang à sauvegarder dans le monde la liberté.

Puissions-nous, avant qu'il soit trop tard, rendre aux mécanismes monétaires les tâches que les faibles mains et l'esprit vacillant des hommes ne sont pas, dans l'état actuel des choses, en mesure d'assumer.»

En intitulant sa dernière contribution intellectuelle à l’analyse monétaire « Le péché monétaire de l’Occident », Jacques Rueff se situait-il à un niveau que certains qualifieraient de moral voire philosophique ou religieux ? Et bien non. En aucun cas.

Si la formulation est vraisemblablement datée et peut-être maladroite - Jacques Rueff fut un homme d’action avant que d’être écrivain - le fonds est sans ambiguïté. Et sans relent moralisateur. Il s’agit d’un véritable appel à la raison d’un économiste pressentant l’imminence d’une crise majeure touchant aux instruments monétaires.

Si c’est le polémiste qui s’exprime mais c’est également le grand commis de l’état - chargé de … - qui tente d’interpeller le citoyen non sur des considérations morales mais sur le risque considérable que porte en soi toute tentative de détacher la création monétaire d’un référent indiscutable.

L’estime dont jouissait Jacques Rueff n’a certainement pas suffi à crédibiliser le message lors de sa parution. Comme je l’ai mentionné l‘époque ne s‘y prêtait guère. Et bien que l’ouvrage fut traduit en langue anglaise, il faut reconnaître que la voix du grand commis de l’état français ne porta guère.

Le message porta d’autant moins que moins de dix années plus tard, l’intervention de Paul Volcker aux commandes de la banque fédérale US US contribua au sauvetage temporaire de ce dollar « nouvelle manière » . On aura peine à donner de cette intervention une mesure juste. Elle fut brutale dans sa mise en œuvre. Sans concession.

Brutale à un tel point qu’elle provoqua un véritable électrochoc dans les milieux de la droite US. Et à une refonte totale de la pensée économique de la droite américaine autour d’une doctrine alors en gestation. Le néo-conservatisme est née de cette droite chahutée moralement et financièrement par les années Volcker.

Un conservatisme revisité et désormais oublieux des relents de « Père fouettard » de la pensée économique usuelle de la droite occidentale. Allons à l’essentiel. Car il s’agissait très largement de tenter une incroyable synthèse visant l’accession de tous à la fortune … sans l’effort.

Une doctrine dont l’élaboration progressive allait amener les autorités monétaires et politiques US à rénover le cadre conceptuel d’opération du capitalisme. Un référentiel refondu alliant capitalisme privé, une apologie fondamentale de la consommation, un certain mépris de l’industriel et de l’industrieux … et une totale dérégulation des marchés. Ceux de l’emploi. Mais également, et on voit aujourd’hui en quoi cela est essentiel, ceux des capitaux.

La suite est connue de tous les observateurs lucides, un formidable développement d commerce mondial et des transferts massifs de savoir-faire et de capitaux. Mais également une augmentation abyssale des déficits publics et privés de toutes natures, une gestion perverse des taux de refinancement bancaire et une montée progressive des liquidités structurellement décorrélée de la création de richesses.

Les conséquences de cette période durant laquelle les Asia-dollars ont pris la suite des des euro- puis des pétro-dollars, sont désormais devant nos yeux. Elles n’auraient pas échappées à Jacques Rueff, lui qui stigmatisait dès les années soixante le caractère exorbitant du pouvoir associé à l’émission de la monnaie de réserve. Et le caractère puissamment inflationniste des Euro-dollars sur notre continent.

Les déséquilibres structurels qui se sont fait jour dans le système monétaires à la faveur de cette mondialisation réalisée à marche forcée sont sur le point de rendre les échanges internationaux de capitaux privés presque impossibles.

Le système monétaire international est désormais trop perturbé pour survivre en l’état. Entre dettes privées et publiques, le niveau des engagements des grands pays est tel que le remboursement des créances est désormais impossible sans rupture.

Ce qui n’empêche guère politiques et média d’envisager des émissions obligataires tellement massives qu’aucun acteur sensé ne sait en conscience où se trouvent les souscripteurs.

Entre les émissions de dettes publiques, celles des acteurs privés des circuits économiques douloureusement percutés par l’effondrement de leurs marchés et des ménages aux revenus sans filet social solide l’équation politique est évidemment insoluble.

Il est important de le dire alors que l’on préfère escamoter à court terme le débat monétaire par peur d’effrayer les marchés. C’est à tort.

Tant que l’on aura affaire aux escamoteurs et aux faux monnayeurs, le crédit - et tout particulièrement dans ses échéances longues - restera introuvable. Et ce n'est pas en forçant les banques centrales à racheter des obligations à terme lointain sur les marchés que pour doper les marchés l'on fera revenir la confiance .... Et l'épargnant.

Il manque au débat public des voix intransigeantes de cette force pour rappeler de telles évidences et permettre aux mécanismes financiers essentiels, ceux qui permettent à l’épargne de rencontrer le besoin de crédit.

Aujourd’hui c’est bien sûr en Asie - là où se crée l’essentiel de la valeur ajoutée mondiale - qu’il nous faut espérer voir apparaitre un discours monétaire rénové.

Appelons cette prise de conscience de nos vœux. Et on fera, à défaut de croire aux remèdes illusoires des politiques, le vœu de voir apparaitre rapidement sur la scène politique un Jacques Rueff asiatique.

jeudi 19 février 2009

Sur le retour à un étalon-or

Un post un peu long en réponse à une question portant sur l'éventualité du retour à un étalon-or. Ma réponse courte est non. Ma réponse longue suit ...

Lorsque les monnaies sont saines, on les oublie. Elles constituent comme l'infrastructure électrique d'EDF en France, le réseau routier ou la présence, plus abstraite d'un système juridique efficace et juste, une sorte de préalable évident. Tellement évident que l'on finit par les considérer comme des acquis permanents. Que nenni !

Nous sommes sortis de la situation de stabilité monétaire mis en place par Paul Volcker progressivement depuis la fin des années 90. Après le premier coup de chien spéculatif déjà oublié - la fameuse "nouvelle économie" - on est passé au vif du sujet. Une crise immobilière qui finit par apparaitre pour ce qu'elle est, une crise non pas strictement financière mais monétaire. Et ce même pour les moins vigilants. savoir les économistes et les banquiers ...

Évidemment une crise monétaire a de profondes répercussions économiques. Car les mécanismes du crédit se dérèglent. Au point de rendre difficile voire impossible des projets longs, surtout les projets privés. Les bons comme les mauvais.

Peut-on rétablir le courant ? Évidemment. En sauvant les monnaies désormais en situation délicates ? Oui encore. Mais cela implique des efforts douloureux, notamment en termes de taux d'intérêt et de politique de refinancement. Personne ne souhaite les réaliser ...

In fine on constatera que la bonne monnaie aura chassé la mauvaise. C'est a peu près tout ce que l'on sait... L'échange peut se passer de monnaie fiable. Le crédit ne le peut pas.

Cette bascule sur des bases plus saines aura-t'elle lieu rapidement ? J'en doute. Sous quelles formes cette bascule aura-t'elle lieu ? Celle d'un étalon-or ? Personnellement je ne le pense pas. Détaillons.

L'or va dans un premier temps aller rejoindre les poches les plus fortunées. Et ce partout sur la planète. Ce sont les riches qui fixent la valeur des choses. Avec un arbitraire confondant. Tant par leurs gouts alimentaires - ils adorent certains œufs de poisson et autres mets curieux - que par leurs choix patrimoniaux.

La revalorisation de l'or est donc en cours. Dans cette absolue discrétion qui sied aux fortunes privées. Ces dites fortunes très largement favorisées par la mondialisation sont les maitres du jeu en la matière.

Les banques centrales vont-elles suivre et au dépens de leur positions cash ? A court terme, ce ne n'est pas sûr.
Car les grands argentiers n'ont pas le même agenda. Et des maitres terriblement tyranniques, les politiques.

Sur ce point les autorités chinoises et leurs banquiers ont dit, montré et démontré leur attachement au système-papier et précisément au système dollar et à ses corolaires, notamment le "pegging" agressif de leur monnaie.

Et ce en complet accord avec les autorités américaines, monétaires et politiques. Un jeu dangereux de "tu imprimes du dollar - j'achète et j'imprime du yuan" qu'il faudra bien arrêter un jour. Car c'est un jeu de dupes.

Et c'est pourquoi que l'on ne peut pas imaginer aujourd'hui une remonétisation de l'or. Tous s'y refusent. Du moins à court terme. Mais in fine les fortunes privées pourraient bien mettre tout le monde d'accord. Sur la valeur monétaire de l'or et sur celles des monnaies gagées sur le courage des politiques.

Vaste programme.

PS: un lecteur me fait remarquer que j'oublie de mentionner dans ce jeu monétaire à deux - US et Chine - le rôle non négligeable joué par les parties tierces, BCE et BoJ. Je pense qu'elles restent relativement secondaires même si les responsabilités sont largement partagées sur la planête. Comme toujours dans ces domaines.

mercredi 18 février 2009

Faudra-t-il choisir entre Euro et construction communautaire ?

Au vu des derniers éléments largement diffusés - et vraisemblablement manipulés en partie par les média anglo-saxons, il semble que l'affaire soit claire et entendue :

"L'Euro ne vaut désormais guère mieux que la livre britannique. Selon les analystes, les montants prêtés à l'Est de notre continent par nos banquiers, helvètes inclus, sont de nature à faire trébucher l'Euro."

Les marchés ne se sont pas privés depuis deux jours de spéculer comme à la parade sur ces informations. Qui ne sont comme toujours ni validées, ni vérifiées.

Il serait temps que Bruxelles dote l'ensemble européen d'une comptabilité financière digne, y compris dans la réalités de ses flux financiers privés ! Mais là n'est pas le cœur du sujet.

La question du moment, celle qui fait notamment trébucher la monnaie suédoise et vaciller l'Euro, est bien celle de la nature de la solidarité financière européenne.

Si l'on choisit de sauver le niveau de vie, hélas largement artificiel de nombreuses régions d'Europe via des mécanismes de redistribution massifs, l'Euro va perdre son statut de monnaie solide, l'inflation déraper. Et les problèmes réapparaitre plus aigus encore dans peu de temps.

Si l'on choisit de sauver l'Euro fort, c'est à un effondrement des monnaies slaves qu'il faut s'attendre. Et à celui vraisemblablement plus silencieux d'une bonne part du système bancaire européen. Tant au Nord qu'au Sud de la zone.

La solution se trouvera entre ces deux écueils. Entre une gestion solidaire jusqu'à l'inconséquence. Ou une autre, plus dure aux limites du Thathcherien....

Quelque soit les solutions, il faut le dire désormais clairement, les tigres économiques de l'Est et du Sud de l'Europe n'étaient depuis quelques temps que tigres de papier. Le papier croissant de leur endettement privé. Et ce depuis vraisemblablement plus de cinq ans.

Revenons au concret. A savoir la remontée de la livre, excessive et spéculative et la baisse de l'Euro. L'Euro est effectivement attaqué. Mais l'affaire n'est terminée. Car cette attaque est avant tout un large coup de poker spéculatif.

On surveillera l'attitude des allemands qui sont maitres du jeu. Les décisions politiques ne sont pas écrites. Une socialisation trans-continentale imbécile des pertes des cigales détruirait l'Euro fort. Mais elle n'est ni assurée ni écrite. Surtout pas dans les statuts. Même si elle reste envisageable.

Placés en métal jaune, nous conservons donc pour l'instant le solde de notre épargne en monnaie commune. Sur des échéances courtes. Et attendons que l'Europe fasse le bond politique qu'elle doit désormais impérativement réaliser. Rapidement. Pour la mise en place sans gabegie excessive de plans de sauvegarde à l'Est et au Sud de notre continent.

Les goldeux sont sereins et invitent - par la gestion vigilante de leur épargne - les dirigeants politiques de nos pays à réfléchir au sens des évenements en cours. Et à s'inspirer dans la conduite des affaires publiques de personnalités telles que Jacques Rueff ou Ludwig Erhard. Plutôt que celles d'Alan Greenspan ou de Ben Bernanke...

mardi 10 février 2009

Sa disparition n'attriste et n'alerte personne, Et pourtant ...

Quand elle a disparu, personne n'en parle et pourtant elle manque énormément. On évite d'en parler pour qu'elle ne s'éloigne plus encore. Mais elle a disparu depuis longtemps et pour longtemps. Et ne reviendra que lorsque l'on aura fait les efforts nécessaires.

De quelle disparition s'agit-il ? De celle de la confiance. De celle que nous avons tous dans les instruments financiers et monétaires.


Cette confiance utile lorsqu'on échange des matières premières, nécessaire lorsque l'on échange des biens industriels sophistiqués, indispensable lorsque l'on souhaite obtenir ou proposer du crédit. Et plus encore lorsque ce crédit doit être proposé sur des échéances longues.

Le crédit EXIGE la confiance. Et le degré d'exigence est à la hauteur du crédit souhaité, de son volume et surtout de sa durée. Des tartuffes veulent nous faire croire qu'il est possible relancer le crédit long dès maintenant. Qui plus est à l'international. Et sans revenir sur les fondamentaux.

Des esprits faibles souhaitent y croire. D'autres plus lucides savent qu'il est virtuellement impossible ACTUELLEMENT de re-mettre en place des mécanismes de crédit privé long suffisants pour relancer les pans de l'économie qui en ont vraiment besoin ...

L'argent va manquer pour les projets longs. Pour les moins justifiables et notamment cet immobilier pléthorique qui est entrain de saturer des pays à la natalité littéralement en implosion, c'est un retour au bon sens. Et c'est bien. Pour les investissements dont la planète a encore cruellement besoin - de la production de ressources essentielles, de l'énergie à l'eau et notamment, c'est excessivement dommage ...

L'argent mal investi a disparu. Il faudra reconstituer cette épargne gaspillée.

Il va falloir restaurer la confiance dans les acteurs du système et, plus encore, celle que l'on peut porter aux instruments monétaires. C'est un préalable au re-démarrage pas un accessoire à régler une fois en route ...

Et oui car il y a ce chiffre fâcheux de deux milles milliards de dollars. Le dernier chiffre retenu pour les pertes réalisées autour de la distribution de produits obligataires toxiques US.

A ce stade on oubliera les accessits, l'immobilier ibérique, britannique ou slave et bien évidemment les monstrueuses surcapacités mises en place en Asie... Dont personne n'a entrepris de mesurer l'ampleur. En Chine notamment où elles sont littéralement enfouies dans les bilans de banques d'état. Mais l'ampleur des pertes enfouies entre les banques de ces pays double vraisemblablement la donne. A quatre ou cinq mille milliards de dollars. Une part significative de l'épargne nette de l'épargne mondiale exprimées en monnaie scripturale.

Cette destruction d'épargne constitue effectivement la plus grande spoliation financière de l'histoire de l'humanité. Elle va déclencher en contrecoup une régression de l'épargne fiduciaire - le mot savant pour l'épargne en moyens monétaires - et des vagues inflationnistes qui seront à la hauteur des pertes réellement encaissées.

Dans ce bourbier la seule issue macro-économique raisonnable se trouve au niveau national. Chaque pays - ou zone monétaire - peut tenter de remettre son système financier en ordre et en route. De manière autonome et singulière. Et permettre à la confiance de revenir.

Les actions transnationales qui vont être menées pour déserrer l'étau de la crise en cours vont contribuer encore un peu plus à détruire la valeur des en-cours de crédit réalisés ces dernières années.

Ne rêvons pas. Ce ne sont ni Obama ni Brown représentants de "paniers percés" sans mauvaise conscience ni complexes qui détiennent la clé de cette remise en marche. Mais les dirigeants modestes de pays plus modestes, moins ambitieux et beaucoup moins télégéniques. Ni Keynesiens ni monétariste. Attention aux miroirs aux alouettes... Ces dirigeants n'auront ni le soutien des média si celui des foules endettées. Pour de bonnes raisons ...

Que cela signifie-t'il pour l'épargnant de la zone Euro ?

Que la crise n'est pas finie et qu'elle ne verra pas son terme en 2009. Les préalables d'une économie saine ne sont pas en place. Même dans la zone Euro, pourtant modérément perturbée.

Si vous souhaitez garder confiance, faites l'impasse sur la mégalomanie des dirigeants.

Examinez, lorsqu'ils apparaitront les signes d'une remise en place. Elle sera "régionale" au sens de la planète. Le marin espère voir la zone Euro faire partie de ces zones du monde qui vont retrouver les mécanismes de cette confiance.

La confiance en ce domaine ne passe ni par la démagogie ni par la facilité.

Comme toujours en matière financière, les programmes efficaces ne sont pas ceux qui plaisent aux peuples. Mais ceux qui rendront à nouveau possibles le retour à un système financier favorisant à sa juste valeur l'épargne. Et la mise en place de mécanismes de crédit sains équilibrés et économiquement justifiables.

Pour vos investissements et vos placements, ne faites pas abstraction de ces fondamentaux. Les conditions d'un retour à l'ordre financier et monetaires ne sont pas encore en place. Elles ne seront pas avant deux à trois ans. Au plus mieux et sous réserve que les dirigeants politiques ne succombent à une démagogie dictées par l'urgence politique. On peut penser que les européens sauront éviter l'écueil.

Entretemps chacun connait mes recettes faites de placements de père de famille et, pour les plus courageux, de shorts patients sur le Sud de l'Europe accompagnés de quelques paris sans risque sur les monnaies les plus exposées. De la livre britannique en passant par les monnaies fort mal arrimées des nouveaux venus aux modèle de consommation occidentale, à l'Est de notre continent.

On reviendra sur les marchés plus tard. Lorsque la mer aura retrouvé son bleu azur. Nous n'y sommes pas.

mardi 27 janvier 2009

Etre positionné cash en Euros ?

Pour l'épargnant ordinaire, la question ne se pose pas. Pour des raisons évidentes, tenant à la fois du bon sens - ses dépenses sont pour l'essentiel en Euros - et des raisons règlementaires et fiscales, son cash est en Euros. Sous des formes et avec des échéances variables.

Le placement en euros est celui de l'évidence pour un ressortissant de la zone Euro, est-ce un placement de raison ? C'est avec un regard, non de citoyen, mais bien d'épargnant critique sur les évènements des derniers mois que je vous propose d'examiner les dynamiques commerciales à l'œuvre tant sur les marchés des monnaies que sur celui de l'épargne.

Depuis quelques mois, durant le dernier trimestre 2008, les média économiques puis les colonnes économiques des supports grands public entonnent le couplet de la déflation. Rejoignant en cela des analystes francs-tireurs tels que Mike Sheldock ou, plus près de nous culturellement, Loïc Labadie.

Je n'apprécie pas ce mot de déflation, largement associé à des images historiques fortes. Le terme décrit des situations datées précises et durables et dont le dernier avatar fut la période qui a suivi la crise financière japonaise de 1990.

Nous ne sommes ni en 1990 ni surtout dans le circuit relativement fermé de la finance japonaise de cet époque. Revenons donc sur ces définitions lancées à l'automne 2008 pour qualifier la situation en cours.

La déflation c'est bien sur d'abord une baisse significative de la masse monétaire en circulation. Mais dans l'esprit de tous elle s'accompagne d'un corolaire immédiat, une baisse des prix accross the board dans un contexte de surcapacité et de flexibilité du système économique et social.

Cette baisse forte de la masse monétaire s'accompagne donc d'une baisse des prix des actifs spéculatifs qui ont soutenu le boom précédent mais également une réduction de l'activité économique. Ce qui déclenche, en raison des surcapacités en moyens de production, une baisse des prix industriels, des salaires et, bien sûr, baisse des prix à la consommation.

C'est clairement le schéma auquel les économistes associent la période en cours. Avec comme conséquence immédiate pour la gestion patrimoniale ... la préférence absolue pour le cash et le rendement même faible des placements obligataires.

Nous n'avons pas sur ces forums vocation à remédier aux problèmes en cours ou à vendre des produits d'épargne. Mais d'essayer de qualifier la situation pour ce qu'elle est. Au profit de l'épargnant individuel dont les intérêts ne sont guère défendus par les supports d'une presse financière plus soucieuse de ceux de ses annonceurs que de la pérennité des bas de laines des classes moyennes ...

Les analystes qui tentent désespérément de faire passer la situation actuelle au Royaume-uni pour déflationniste ont, comme le disent les anglo-saxon, un agenda politique : "Tenter d'offrir durablement une rémunération négative aux capitaux libellés en livres tout en évitant la fuite des dits capitaux sur d'autres supports monétaires ou vers des actifs tangibles ou exotiques".

Rien ne permet d'assurer pour autant que la situation actuelle ne prennent les attributs mentionnés précédemment. C'est à dire une déflation dans un contexte de monnaie relativement solide. Certes concernant les prix des actifs, l'affaire est entendue. Ils vont baisser et, ce pour une période a priori relativement longue.

Concernant les prix à la consommation et les ajustements salariaux en revanche, rien n'est assuré. Et surement pas la déflation ...

Les pays européens, en particulier, sont très largement régulés et grevés pour la plupart d'une dépense publique essentiellement inélastique. Rien ne permet d'assurer qu'ils soient en situation d'entrer, comme les US de 1930, dans un ajustement économique par les prix. Et tout particulièrement par ceux de la main d'œuvre. En clair une "spirale négative vicieuse" prix-revenus-activité telle qu'elle semble effectivement s'installer partiellement aux US depuis le début de 2008.

Ce type de spirale déflationniste ne se met en place que dans le contexte précis. Celui d'un potentiel de production considérable et d'un volant de régulation économique et social relativement réduit. Est-on dans cette situation ?

Sur le plan quantitatif d'abord, celui des capacités.

D
e nombreux pays européens, Espagne et Royaume-uni en tête, ont une capacité de production de biens commercialisables (tradable goods) très insuffisante. Leur position est d'abord celle d'importateurs nets massifs de biens potentiellement en rupture de financements externes à échéance rapprochée.

Cette situation ne ressemble en rien à celles de pays comme les US au début des années trente ou, plus près de nous, le Japon, l'Allemagne des années 90
, voire dans une moindre mesure, la France de la fin du Mitterandisme.

Sur le plan qualitatif, celui de la capacités des acteurs à s'adapter à une situation de surcapacités par un ajustement sur les prix.

On connait ce scénario construit sur la fameuse modération salariale. Puis la spirale vicieuse de l'ajustement négatif "baisse de la consommation-surstocks et surcapacités-baisse des prix-baisse des salaires-baisse de la consommation-..."

Dans une majorité de pays européens, de nombreux secteurs économiques sont très largement régulés sur le plan social et parfois même économique. Les adaptations dont sont capables ces marchés sont parfois excessivement faibles. Citons l'immobilier espagnol qui peine à reconnaitre via les prix de marché la réalité objective de ses propres surcapacités.

Quand les salaires sont fixes et les ajustements de main d'œuvre restreints, la seule issue est bien souvent l'endettement puis, in fine, la suppression des capacités de production ... Pas l'ajustement par les prix.

Dans un tel contexte, nous risquons de voir tout autant se développer une situation bien différente de celle de la déflation des livres d'histoire économique. Une situation marquée par la destruction de l'offre, la faillite des opérateurs économiques en dépit des soutiens et une montée spectaculaire du chomage ... Mais sans ajustement significatif des structures de prix.

On pourrait d'ailleurs hélas voir se développer un véritable marasme marqué par des pénuries inflationnistes dans certains secteurs-clé en raison de l'incapacité du tissu économique à s'adapter à la nouvelle donne. Le credit crunch n'est pas un mythe. Ces conséquences ne le seront pas non plus.

La déflation à la japonaise - ou à l'allemande - est finalement un scénario assez rose. Et tellement vendeur en termes de rendements obligataires. Sous l'ombrelle verbale de "déflation, abri du rentier", le marché de l'épargne ne va pas manquer de propositions assises sur des supports obligataires garantis sous l'argument apparemment imparable "Votre argent est au chaud. Le pouvoir d'achat de votre épargne grossit certes faiblement au fil de la déflation, Mais ce rendement nominal faible vous protège justement d'une fiscalité confiscatoire".

Cet argument facile tient pour des marchés obligataires travaillant sur de supports monétaires robustes. Est-ce le cas du Royaume-uni en 2009 ? Sera-ce le cas aux US en 2010 ? Je n'en prendrais pas le pari.

Concernant la solidité des placements libellés en Euro, l'affaire est évidemment différente.

Mais le bilan dépendra au final de la réaction des peuples latins et slaves qui ont rejoint le bercail européen durant les trentes dernières années. S'ils sont capables de tenir le choc en cours en opérant autour de solidarités familiales traditionnelles une véritable refondation de leurs modèles de consommation sans conséquences préjudiciables pour l'économie en place, on peut imaginer une issue relativement élégante à cette crise.

Il sera alors temps de mettre en place une préférence européenne raisonnable afin de répondre au dumping monétaire de certains. Et redonner vie à la dimension du grand marché européen souhaité par ses fondateurs ...

Mais il est sur ce point impossible de mettre la charrue avant les bœufs. On fait le deuil partiel d'un certain consumérisme à l'américaine sans pour autant revenir aux vieux démons communistes ou franquistes ou abandonner l'acquis européen libéral, on serre la ceinture et on relance ensuite.

Si des tensions politiques trop fortes se font jour dans la zone Euro autour d'appels à la solidarité masquant maladroitement une volonté délibérée de repousser certains ajustements in aeternum, l'Euro pourrait vivre une épreuve de vérité. Et connaitre, comme pour la monnaie américaine, des taux d'intérêt d'un tout autre tonneau.

Pour l'instant tout cela est relativement bien parti. L'Espagne, particulièrement touchée, affronte la situation avec courage. Espérons qu'elle sache organiser les solidarités indispensables. Sans démagogie.

Certes la Grèce ne va pas fort. Mais espérons, outre qu'elle assume élégamment ses propres contradictions, qu'elle constitue surtout l'exception susceptible de confirmer la règle d'une Europe socialement sure, politiquement harmonieuse et économiquement dynamique.

En conclusion, du placement en Euros, yes. C'est déjà un bon point ... Sur des taux fixes et des durées longues, il est évidemment trop tôt pour le faire.

vendredi 23 janvier 2009

Pourquoi aucun rush sur le métal précieux.

Une réponse de fonds faite ce jour à une question posée sur un forum financier francophone à forte notoriété.

Le gold résiste remarquablement bien. Ceci dit, il ne donne pas lieu à un rush. Pourquoi ? Les raisons sont multiples. On en isolera deux et laisserons de coté les raisons d'ordre techniques et les procès d'intention vis-à-vis de la profession bancaire.

La première réponse est d'ordre géopolitique.

Les détenteurs des plus grosses structures d'épargne nets - Asie et golfe notamment - sont des piliers du système dollar. Pour des raisons bien différentes. Tant qu'ils soutiendront - et ils le font actuellement de leurs bras musclés, sans faiblir - ils ne joueront pas la carte de la monnaie alternative.

Il faut bien saisir qu'ils ne s'agit pas - pour l'essentiel - de patrimoines privés. Mais de patrimoines publics, dont le positionnement est tout autant d'ordre idéologique que financier.

Et c'est là qu'intervient le deuxième frein, qui tient au cadre de pensée.

Le métal jaune est décrit par l'idéologie financière dominante de manière littéralement calomnieuse. On fait porter sur ses frêles épaules la responsabilités de crises dont il n'est à l'évidence pas la source. Sur deux plans, celui des mécanismes économiques globaux et sur celui du comportement des épargnants.

Sur le plan macro-économique :

De la crise monétaire qui frappa l'Espagne impériale à la crise de 1929 présentée et transformée par la lecture d'intellectuels comme Bernanke et bien d'autres comme une conséquence de l'étalon-or, le rôle de l'or a fait l'objet d'une réécriture savante de l'histoire commencée après 1944.

L'or est présenté comme un instrument monétaire au mieux defectueux au pire paléolitique. Au mieux un facteur d'inefficacité. Au pire Un facteur de troubles économiques voire de guerres.

Haro sur le Baudet !

Les économistes dit autrichiens - dont les défenseurs sont les seuls à avoir anticipé cette crise, un sérieux facteur de crédibilité ! - ont depuis longtemps donné la clé. Mais on en a cure. Ils sont entouré d'un mépris élégamment cultivé. Tout particulièrement par la pensée économique néo-conservatrice qui a fait de l'utilisation des instruments monétaires un levier d'action économique. Avec la complicité au moins tacite de tous les acteurs économiques et sociaux. On est entrain de constater les résultats.

Comme le faisait remarquer un analyste de la blogosphere finance, un étudiant en économie brillantissime qui ferait un cheminement intellectuel auprès de cette école de pensée finit au mieux professeur de faculté d'une université sans renom.

Son alter ego reprenant la pensée commune Friedmano-Keynesienne connaitra un tout autre parcours académique. Au pire dans une des écoles de l'Ivy league au mieux prix Nobel d'économie ...

Suivez mon regard !

Sur le plan micro-économique :

L'épargne en or est considérée - fort à tort - comme un facteur de thésaurisation, de "mise sous le boisseau" stérilisant l'argent accumulé aux dépens de l'investissement. L'or serait par sa présence stérilisante. On oublie trop vite que l'or n'est qu'un instrument monétaire susceptible de toutes les opérations y compris les plus sophistiquées.

Au final c'est évidement l'avarice et la cupidité des hommes qui, plus que tout, les amène à détruire et manipuler crédit et monnaie. Dans tous les sens, dans l'ordre et le désordre.

Et que ce soit sur le plan micro ou macro-économique, l'or ne tient qu'un rôle salutaire limitant par sa présence physique sur les marchés, les débordements les plus excessifs de la confiscation macro-économique par l'inflation, la manipulation des taux d'intérêt, une fiscalité prédatrice voire, sur le plan micro, ... la confiscation tout court.

Le métal jaune constitue à l'évidence une monnaie - et une épargne - de dernier ressort ... Son rôle reste à la marge. Je reste persuadé qu'il n'a terminé son cheminement jusqu'à une restauration d'un ordre monétaire international digne. Mais il reste de la route à parcourir.

Du chemin à parcourir dans les esprits également. Tout particulièrement donc dans la perception idéologique des détenteurs nets de créances en dollars. Le retournement est palpable, tant dans le golfe qu'en Chine où la prégnance d'une idéologie faisant un savant amalgame de néo-conservatisme anglo-saxon et de nationalisme économique très communiste est entrain de disparaitre.

Le temps joue pour une revalorisation forte de l'or.

Je le déplore en qualité de citoyen, préférrant, comme la plupart de mes lecteurs, une monnaie fiduciaire honnête et solide qu'une relique barbare. Et n'adhère au métal jaune que par nécessité intellectuelle ... Et financière.

mercredi 21 janvier 2009

Madoff conseillait l'or à ses proches

Madoff conseillait l'or à ses proches, très proches. Enfin on peut facilement l'imaginer ... au vu des ses tentatives de mise en sécurité de bijoux relatées par la presse. Et proposait des produits financiers sophistiqués aux investisseurs avertis.

Après des années de pratique monétaire douteuses, de taux d'intérêts nominaux durablement en dessous de l'inflation constatée par chacun et niée par les organismes officiels, on découvre que le "Jewish bond", le seul placement simple à garantir durablement des rendements supérieurs à l'inflation réelle (de 8 à 12% par an, un peu trop supérieurs pour être honnêtes...) était la plus plus grosse arnaque de l'histoire financière mondiale.

Rappelons quelques vérités dures à entendre.

L'existence même d'un système Madoff doit tout à la construction même de Wall Street, son incroyable absence de règles, de lois - et de condamnations - mais également et c'est assez peu souligné son adossement à la fontaine de jouvence de la Fed.

L'honneteté du système monétaire joue un rôle déterminant celle du système financier. Depuis l'antiquité. Notre époque ne fait pas exception.

C'est la politique accommodante - joli mot - des deux derniers grands argentiers US qui a permis à ce type de montage de se mettre en place. Tout autant et même plus encore que l'existence de régulations ou non. Essayez donc de mettre en place un système Madoff dans un système monétaire gagé sur l'or physique ...

Revenons à nos moutons. En quoi le laxisme monétaire facilite-t'il la mise en place d'arnaques en tous genre.

D'abord du point de vue de la naissance de cette offre de ces instruments financiers ...

L'existence même de leviers considérables disponibles de manière asymétrique à New York et à Londres et les compromission des banquier de la place a rendu considérablement plus attractive les formule des hedge-funds.

Du point de vue de la présence de clients potentiels enfin et surtout.

En présence de rendements réels négatifs servis par le monde obligataire dans un contexte d'inflation réelle patente (faites le tour de vitrines de marchands de biens), l'investisseur se détourne légitimement des produits d'épargne naturels. Et commence à croire au Père Noël. Ou plutôt au père Madoff.

A une échelle moindre on notera que les schémas d'épargne à rendement élevé vendus sous de vocables aimables de "fonds en ...." peuvent également masquer le pire. Et c'est bien là encore le dumping monétaire d'acteurs tiers qui a très largement provoqué la naissance de tels marchés.

Revenir à une monnaie saine est une condition non négociable du retour à des marchés financiers sains.

Cela commence par la disparition de l'intervention de tiers - non épargnants - dans la fixation d'une juste rétribution pour l'épargne. Que les pays du golfe ou l'Asie aient été prêts à ce genre de compromis pour des raisons stratégique ou commerciale ne justifie pas la politique insane menée par Greenspan.

Les conséquence de cette politique ne se mesurent pas qu'en termes de croissance et d'inflation. N'oublions qu'une monnaie qui triche invite des construction d'épargne malsaines.

Merci aux Friedmanites de quitter la salle !

Désolé du ton polémique mais je suis remonté ce matin...